L'intérêt de l'ouvrage ne se trouve pas dans ses appréciations conjoncturelles sur la politique des communistes en et hors d'URSS, mais dans la réflexion qui s'attache à analyser les ressorts du libéralisme et du communisme, ainsi que de la politique en général. Il examine, avec une acuité impressionnante au regard des circonstances politiques troubles de l'époque, le rapport entre conscience et politique dans les deux grandes idéologies que sont le communisme et le libéralisme, et analyse la culpabilité intrinsèque de l'homme politique, liée au hasard qui préside à la destinée des grands projets humains
[...] Foucault sur les institutions médicale et carcérale. Merleau-Ponty écrit très justement qu'il y a un " problème que l'Europe soupçonne depuis les Grecs : la condition humaine ne serait-elle pas de telle sorte qu'il n'y ait pas de bonne solution ? Toute action ne nous engage-t-elle pas dans un jeu que nous ne pouvons entièrement contrôler ? " Cette idée du " hasard " renvoie à la non-adéquation entre les objectifs intellectuellement planifiables de la politique, et les réalités auxquelles leur mise en œuvre se heurte. [...]
[...] La tension, qui est au cœur de la pensée de Merleau-Ponty, entre lucidité face à l'URSS et rejet de l'idéologie libérale, se retrouve de façon frappante dans une phrase de la préface d'Humanisme et terreur : " L'usage et l'idée même de liberté ne peuvent plus être à présent ce qu'ils étaient avant Marx. Nous n'avons le droit de défendre les valeurs de liberté et de conscience que si nous sommes sûrs, en le faisant, de ne pas servir les intérêts d'un impérialisme et de ne pas nous associer à ses mystifications (comment en être sûr en continuant à dénoncer la mystification libérale, en critiquant la liberté idole, celle qui ( ) sanctifie les moyens classiques de la répression policière et militaire " (p. [...]
[...] " L'homme politique, parce qu'il commande, parce qu'il " définit le droit en fonction de l'ordre qu'il veut établir et qu'il impose souvent à ceux qu'il dirige des sacrifices, a une responsabilité écrasante ; " la politique est une affaire sérieuse Mais, les échecs, au moins partiels, étant infiniment plus fréquents que les réussites, il existe un soupçon a priori, oedipien, de culpabilité de l'homme politique. " Aucun politique ne peut se flatter d'être innocent. Gouverner, comme on dit, c'est prévoir, et le politique ne peut s'excuser sur l'imprévu. Or, il y a de l'imprévisible, voilà la tragédie. " La conséquence la plus importante de cette relativité est que, toute entreprise politique ayant une issue aléatoire, " La contingence de l'avenir, qui explique les violences du pouvoir, leur ôte du même coup toute légitimité, ou légitime également la violence des opposants. [...]
[...] Mais, dans Humanisme et terreur, c'est la critique, d'inspiration marxiste, de ce qu'il appelle la " mystification libérale " critique sur laquelle il ne reviendra pas avant sa mort qui occupe une place centrale dans la pensée de Merleau-Ponty. Le terme " mystification " désigne l'hypocrisie des Occidentaux, dont la civilisation repose sur l'exploitation (des esclaves, des ouvriers, etc.) et la violence, alors que c'est précisément ce qu'ils reprochent aux Soviétiques qui, eux, assument la violence. L'attrait du libéralisme est qu'il n'analyse les situations que de manière abstraite, prétendant à une objectivité fallacieuse. Merleau-Ponty écrit à cet égard : " Il y a un libéralisme agressif, qui est un dogme et déjà une idéologie de guerre. [...]
[...] On ne peut pas être anticommuniste, on ne peut pas être communiste. " Dans cette perspective, les procès de Moscou (dont Merleau-Ponty ignore certes l'ampleur) ne sont pas décisifs a priori. En effet, avant la guerre, l'espoir que le communisme réel verrait bientôt le jour était encore permis, et critiquer l'URSS stalinienne revenait à trahir l'idéal révolutionnaire. C'est ce qui a choqué les commentateurs de l'époque mais, alors que leurs reproches " humanistes " semblent moins forts que la démonstration de l'auteur, il est certain qu'un tel refus de condamner a priori peut être soumis à une critique kantienne. [...]
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