Nous nous croyons libres, autonomes dans nos choix, que ce soit celui d'une cravate ou celui d'une femme. Selon René Girard, il s'agit d'une illusion romantique. En réalité, nous ne choisissons que des objets déjà désirés par un autre.
René Girard propose, à travers une analyse entièrement originale des romans les plus célèbres de tous les temps, d'élucider un des problèmes les plus controversés de notre temps: quels sont les motifs cachés dans les conduites humaines en apparence les plus libres ?
René Girard est né à Avignon en 1923. Historien de formation, diplômé de l'Ecole des Chartes, il part pour les Etats-Unis où il vit depuis 1947. Il est professeur de littérature et d'anthropologie et a enseigné dans plusieurs universités dont Buffalo, John Hopkins de Baltimore et Stanford en Californie. Dans Mensonge romantique et vérité romanesque, Girard interprète les grands romans, les personnages et les auteurs de la littérature moderne, démasquant ainsi le mensonge romantique du désir pur, typique du héros du XIX siècle, et montrant la vérité romanesque, c'est-à-dire la nature dérivée de tout désir de l'homme.
[...] Le sujet désirant n'étreint jamais que du vide lorsqu'il s'empare de l'objet. Le maître réussit, en simulant et dissimulant le désir, à diriger à son gré le désir de l'Autre ; il possède l'objet mais cet objet perd toute sa valeur du fait même qu'il se laisse posséder. Le maître est voué à la désillusion et à l'ennui : absurdité du désir métaphysique. Ex : Pascal et le désir métaphysique. Mais il a renoncé aux désirs faciles et aux êtres qui s'abandonnent sans défense. [...]
[...] C'est chez Cervantès que la distance est la plus grande. Aucun contact n'est possible entre Don Quichotte et son Amadis légendaire. Emma Bovary est déjà moins éloigné de son médiateur parisien mais jamais elle ne pourra rivaliser avec celles- ci ; jamais elle ne partira pour Paris. Le héros de la médiation externe proclame bien haut la vraie nature de son désir. Il vénère ouvertement son modèle et s'en déclare le disciple. Chez un troisième romancier, Stendhal, qui insiste également, sur le rôle de la suggestion et de l'imitation dans la personnalité des ses héros, ce même médiateur est descendu sur terre. [...]
[...] Diverses expériences déroulent et elles sont toutes destinées à répondre à la même question fondamentale : pourquoi les hommes ne sont-ils pas heureux dans le monde ? Selon Stendhal, nous ne sommes pas heureux parce que nous sommes vaniteux. La vanité stendhalienne comporte un aspect historique. La classe noble est la première à tomber en décadence. Et l'histoire de cette décadence se confond avec l'évolution inéluctable du désir métaphysique . La noblesse ne cessera plus, désormais, de guider vers la vanité les autres classes vouées à son imitation et de précéder celles-ci sur le chemin fatal du désir métaphysique. [...]
[...] Chacun imite l'autre tout en affirmant la priorité et l'antériorité de son propre désir. Chacun voit dans l'autre un persécuteur atrocement cruel. Plus la haine est intense, plus elle nous rapproche du rival exécré. Tout ce qu'elle suggère à l'un, elle le suggère à l'autre, y compris le désir de se distinguer à tout prix. La société moderne n'est plus qu'une imitation négative et l'effort pour sortir des chemins battus fait invinciblement retomber tout le monde dans l'ornière. On passe peu à peu des romans de chevalerie aux romans-feuilletons et aux formes modernes de la suggestion collective, toujours plus abondante, toujours plus obsédante. [...]
[...] L'admiration passionnée et la volonté d'émulation butent sur l'obstacle injuste, en apparence, que le modèle oppose à son disciple et retombent sur ce dernier sous forme de haine impuissante, provoquant ainsi l'espèce d'auto empoisonnement psychologique Le jaloux : Comme toutes les victimes de la médiation interne, le jaloux se persuade aisément que son désir est spontané, c'est-à-dire qu'il s'enracine dans l'objet et dans cet objet seulement. Le jaloux soutient toujours par conséquent, que son désir a précédé l'intervention du médiateur. La jalousie nous ramènerait donc à l'irritation que nous éprouvons tous lorsqu'un de nos désirs est accidentellement contrarié. La véritable jalousie est infiniment plus riche et plus complexe que cela. Elle comporte toujours un élément de fascination à l'égard du rival insolent. [...]
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