La lecture du Prince, qui a probablement été rédigé par Machiavel entre l'été et le mois de décembre de l'année 1513, c'est-à-dire après qu'il a été chassé par les Médicis de Florence, doit s'enraciner dans la crise politique qui traverse Florence au tournant des XVème et XVIème siècles, sans pour autant renoncer à rendre compte de la distance prise par Machiavel face aux évènements. Ainsi, si la rédaction du traité est en partie motivée par le désir d'être employé par les Médicis et de reprendre ainsi une fonction dans les affaires publiques, il serait largement réducteur de faire du Prince une simple œuvre de flatterie. Il s'agit tout d'abord de souligner un autre sens au contexte : le politique ne se pense réellement qu'en temps de crise. De la sorte, c'est la réalité même qui exige qu'on la repense à nouveaux frais. On comprend en ce sens que les analyses du Prince soient centrées sur le problème des principats nouveaux, dont les principes de gouvernement tiennent compte de l'état d'urgence, à la différence, notamment, des principats héréditaires, qui ne se maintiennent que dans la reproduction prudente de principes déjà effectifs. Mais en même temps, ce problème des principats nouveaux est en lui-même, et donc indépendamment du contexte contemporain de la rédaction du Prince, un révélateur efficace de ce qui constitue la finalité et les moyens propres du politique.
C'est en effet à travers ce problème précis que Machiavel analyse les manières les plus efficaces de conquérir et conserver un Etat, ce qui constitue la finalité de toute action politique. Dans l'état d'urgence apparaît la figure du héros, laquelle s'entend dans le rapport complexe entre « fortuna » et « virtù » ; et la spécificité de la vérité du politique se dégage en rupture, notamment, de l'ordre moral. C'est d'ailleurs l'angle que nous avons choisi pour notre étude. Nous verrons en ce sens ce qui définit la nature du politique, et sur quelles nouvelles bases celle-ci est rendue par Machiavel ; nous tenterons par la suite d'éclairer la relation entre fortuna et virtù ; pour enfin rendre compte du renversement des valeurs qui suit la prise d'autonomie de la politique par rapport à la morale.
[...] Le prince a en ce sens un réel devoir de nécessité. Mais pour autant, le fait que la fin du politique soit de conserver l'Etat et l'autorité du prince ne permet ni de réduire le politique à la résolution technique d'un problème tout aussi technique, ni de faire de la question du pouvoir de fait le seul problème politique. Si le problème du Prince n'est pas, il est vrai, de justifier la légitimité du pouvoir, il peut être compris comme la tentative de rendre compte des relais efficaces du pouvoir de fait. [...]
[...] Il s'agit tout d'abord de rendre compte de l'innovation de la méthode de Machiavel, qui n'est pas neutre en tant que telle. Deux tours disjonctif et analogique, donnent un nouveau départ à la pensée politique en rendant le réel plus clair et plus distinct sous la conduite de la raison. Cette mobilisation novatrice des ressources de la logique pour l'analyse politique permet de simplifier la réalité, en rendant compte du réel politique dans sa plus grande extension : Tous les Etats, toutes les seigneuries, qui ont eu et ont pouvoir sur les hommes, ont été et sont ou des républiques ou des principats (nous soulignons). [...]
[...] Le Prince, chapitre 6. Ibid., chapitre 25. Mis en lumière par T. Ménissier, Les mots du pouvoir et les modes de la pensée politique Le Prince, chapitre 1. Ibid., chapitre 3. Robert Damien, Machiavel et le miroir brisé du conseil in Y.-C. Zarka et T. [...]
[...] La naturalité des comportements n'est pas donnée, mais elle est le résultat d'une adaptation entre actions et circonstances. D'après cette conception de la relation entre vertu et fortune, un mode d'action serait possible qui ne serait pas naturel dans le sens que l'on en a donné, et qui n'entrerait pas de ce fait dans les mêmes limites dessinées par la fortune. La vertu extraordinaire du type de la férocité du pape Jules II, qui trouva toujours les temps et les choses conformes à sa manière de procéder va à l'encontre de l'activité coutumière. [...]
[...] Ménissier (coord.) Machiavel, le Prince ou le nouvel art politique. Le Prince, chapitre 15. Ibid., chapitre 16. T. Ménissier, La vérité effective de la politique et les qualités du prince in Y.-C. Zarka et T. Ménissier (coord.) Machiavel, le Prince ou le nouvel art politique. [...]
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