La dixième lettre, extraite des Lettres philosophiques, est intitulée "Sur le commerce". Nous nous demanderons en quoi la démarche adoptée par Voltaire pour faire l'éloge des méthodes commerciales de l'Angleterre et implicitement la critique de la politique française est philosophique.
Le teste s'organise en trois mouvements. Tout d'abord, le premier paragraphe traite des bienfaits du commerce anglais, source du bien-être et de la prospérité générale. Ensuite, le deuxième paragraphe concerne l'anecdote du prince Eugène. Enfin, le troisième paragraphe correspond à une formule conclusive.
[...] Les Lettres philosophiques apparaissent comme une oeuvre de combat destinée à influencer les intellectuels. Voltaire adopte une démarche philosophique dans cette dixième lettre qui oscille entre éloge de l'Angleterre et blâme de la France. L'auteur met en place une entreprise de diffusion d'idées et de vulgarisation car l'écriture est au service de tout et ce tout est à la portée de tous. Il y a donc bien un dépassement de la simple apologie de l'idéal anglais. Le philosophe est, par conséquent, l'homme qui agit pour l'humanité et qui cherche à s'éclairer lui-même ainsi que les autres. [...]
[...] Or, la démarche de Voltaire ici n'est- elle pas de lutter contre les abus, les tares de la société de son temps ? Face à l'arbitraire du gouvernement, il prône la liberté de penser, d'écrire, de répandre les ouvrages de l'esprit. L'esprit philosophique de cette lettre tient à la leçon qui s'en dégage. Le texte est à la fois satirique (critique plus ou moins déguisée de la société française) et de quasi propagande (bienfaits de la liberté) car Voltaire ne dissocie pas la liberté de pensée et la prééminence sociale du marchand. [...]
[...] Le ton se fait didactique comme le prouvent les répétitions propres à tout enseignement et le présentatif "c'est qui" mettant en évidence le thème même de cette lettre, qui lui donne son titre : le commerce. L'Angleterre est présentée comme un pays laborieux et de fait puissant par son commerce, sa marine et ses finances (comme le montre surtout le deuxième paragraphe). Cette grandeur est renforcée par l'utilisation successive du passé composé, du présent et du futur hypothétique qui retranscrit la prédominance croissante de l'Angleterre dans le temps mais aussi dans l'espace comme le prouvent les précisions chiffrées insistant sur le déploiement maritime : "près de deux cents vaisseaux de guerre / trois flottes à la fois en trois extrémités du monde". [...]
[...] Voltaire passe vite sur l'enrichissement évident de l'Angleterre pour insister, comme le montre le polyptote "libres / liberté", sur le fait que le commerce permet aux hommes de vivre heureux puisqu'affranchis de tutelles sclérosantes. Les termes "contribuer / étendre / grandeur / puissante" suggèrent cette expansion bénéfique résultant du commerce. Le commerce apparaît comme une dynamique extraordinaire propice à engendrer des modifications sociales profondes. L'expression "à son tour" souligne l'influence réciproque, l'interaction entre le commerce et la liberté. Prospérité et liberté vont donc de pair. [...]
[...] L'allitération en occlusives suggère l'attitude conquérante, belligérante. L'anecdote est longuement développée au mépris semble-t-il de toute vraisemblance. En effet, Voltaire évoque un montant hyperbolique de "cinquante millions" pour la résolution du conflit. Il fait parler le prince Eugène (discours direct) qu'il fait venir, dans la même phrase, d'Allemagne, trouver de l'argent et délivrer Turin avec une rapidité d'exécution transcrite par la succession plutôt effrénée de plusieurs passés simples. Cette anecdote a valeur d'exemple dans la démonstration mise en place par Voltaire. [...]
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