Lettre sur l'humanisme, Martin Heidegger, pensée, Platon, Nietzche, métaphysique, essence de l'homme, Karl Marx, Antiquité, compréhension du monde, Jean-Paul Sartre, pensée future
La "Lettre sur l'humanisme" (Aubier, Philosophie de l'esprit, 1983), écrite en 1946, répond à la question que Jean Beaufret, destinataire de la lettre, avait posée à Heidegger : "Comment redonner un sens au mot "humanisme" ?". Le texte, précisant en les prolongeant les idées principales de son traité "Être et Temps" (1927), permet à Heidegger de poser à nouveau la question du sens de l'être tout en dessinant les contours d'une "autre pensée" ou "pensée future", plus sensible à l'expérience du dévoilement et de l'histoire de l'être.
[...] L'humanisme empêche donc que la question de la relation de l'être à l'homme soit posée, relation pourtant constitutive de l'essence humaine, pour autant que la métaphysique ne pense pas, mais occulte la différence (Unterschied) de l'être et de l'étant : elle confond d'emblée - c'est même ce qui la définit - l'ensemble de ce qui est (la totalité de l'étant, terme à comprendre comme substantif) et l'irruption de ce qui est (l'être, terme à entendre comme infinitif). Toute métaphysique définit l'homme comme animal rationnel (Aristote), c'est-à-dire comme vivant parmi les vivants, comme étant parmi les étant, lui accordant pour le différencier la spécificité de la raison. Il est un zôon logikon. En ce sens, la métaphysique pense l'homme à partir de la différence de l'homme et de l'animal et non pas à partir de l'humanité de l'homme. Pourtant, l'Homo animalis de la métaphysique n'est pas encore l'Homo humanus tel qu'on doit le penser. [...]
[...] Comment redonner un sens au mot humanisme ? La question de l'essence de l'homme L'humanisme comme métaphysique Comment redonner un sens au mot humanisme ? Est-il seulement nécessaire de conserver ce mot ? La question ne s'éclaire que si l'on franchit le pas qui nous fait parvenir au voisinage de l'être. Penser l'humanité (humanitas) de l'homme (homo), c'est d'abord replacer celui-ci dans son essence et donc se soucier non seulement de la relation de l'homme à son être (Être et Temps), mais aussi de la relation (Verhältnis) de l'être à l'homme. [...]
[...] C'est seulement par cette expérience que l'homme sortira de la déchéance (Verfallen) de l'oubli de l'Être. Ce qui est essentiel dans la détermination de l'humanité de l'homme, en ce sens, ce n'est pas l'homme lui-même compris comme animal pensant, mais l'être qui laisse être sa pensée. Cette pensée future est-elle un humanisme ? Non si l'humanisme se définit par référence exclusive à l'homme (comme le fait Sartre) ; l'essence de l'homme ne peut être saisie que dans l'ouverture du don (die Hingabe) de l'être, non à partir de l'homme lui-même. [...]
[...] Les humanismes, passant à côté de la question, n'expérimentent pas encore la dignité de l'homme. Il faudrait en quelque sorte penser à rebours de l'humanisme pour atteindre le sens de cette dignité, qui ne repose pas dans le fait que l'homme est sujet pensant dans un monde de choses , mais dépositaire de la puissance de l'être (Machthaber des Seins). Par son essence, l'homme est jeté (geworfen) par l'être dans la vérité de l'être, par essence, il est le berger (der Hirt) qui veille grâce au langage sur l'être. [...]
[...] La Lettre sur l'humanisme s'inscrit dans le débat de l'après-guerre sur la possibilité et la valeur de l'humanisme. Heidegger y prend une position audacieuse, à contre-courant. En réponse directe à la conférence de Sartre L'Existentialisme est un humanisme, Heidegger se démarque explicitement des conceptions courantes de l'humaniste et refuse cette référence exclusive à l'homme. L'essence de l'homme est d'ek-sister, donc de se décentrer par rapport à lui-même afin de devenir gardien et berger de l'être. Son mode d'être est le questionner et son destin, l'acheminement vers la parole. [...]
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