D'où proviennent les fanatismes meurtriers ? D'une certitude, de la conviction d'avoir trouvé la Vérité; or, bien que la quête des vérités objectives et universelles soit l'apanage du scientifique, il est frappant que ceux qui tuent et guerroient au nom du Vrai n'aient rien de savants. François Jacob cherche à montrer au fil de ces lignes ce que croyance certaine et vérité objective ont de différent: l'une semble nécessiter la violence pour s'imposer, l'autre reste une idée, qui en tant que telle n'affrontera que des idées. En ressort, la vertu incontestable de la Science, de son rôle dans la conquête progressive de la tolérance.
[...] Kant, dans Critique de la Raison Pure, offre une possibilité de distinction intéressante. Alors que la croyance certaine (ici, on l'appellera foi) ne fait pas de doute pour la subjectivité, c'est à dire pour celui qui croît, elle n'a pas les qualités nécessaires pour acquérir une certitude objective, c'est à dire de la part de toute autre personne extérieure. La foi qui atteint un haut degré de certitude subjective et objective (c'est à dire qu'elle est considérée comme vraie par toute être raisonnable), est appelée science. [...]
[...] Les modèles scientifiques, tant qu'ils ont pour unique objectif la vérité, supportent touts les contestations, car dans leur combat contre le doute ils sortent perfectionnés ou renforcés. L'opinion, et plus spécialement quand elle est suffisamment forte pour provoquer des persécutions, n'accepte pas la critique, parce que son but n'est pas de décrire la vérité matérielle, mais de rassurer son partisan en s'imposant au plus grand nombre. La démarche scientifique quand elle est adoptée par un peuple, lui apporte une rare qualité : la capacité à raisonner. [...]
[...] La science est parfois outil des fanatiques, et jamais motivation. Plusieurs questions se posent cependant. Comment juger de ce qui est motivation d'un acte ou simplement prétexte, quand l'agissant lui même peut ne pas le savoir ? On peut à première vue tout ainsi dire que la science a motivé des génocides ou qu'en fait elle n'en fut que le prétexte. Existe-il des critères, en particulier pour un observateur extérieur, qui permettent de définir ce qui joua un rôle dans la formation d'une conviction, et ce qui ne servit qu'à s'affranchir de toute remise en cause ? [...]
[...] On pourrait se demander, devant les horreurs commises au nom de cette connaissance, si la science elle-même n'est pas à proscrire. Mais l'auteur fait alors justement remarquer que lorsqu'une idéologie se réclame scientifique, les idées passionnelles précèdent le discours argumentatif qui se veut raisonné. La science n'est plus source, mais instrument de la passion. Il se peut que l'idéologie, raisonnée, trouve finalement des preuves dans l'étude scientifique : on parle dans ce cas de modèle scientifique, confirmé par les faits. Mais les situations qu'évoque F. Jacob ne sont pas de ce type. [...]
[...] De là vient la vertu de la science pour F. Jacob. L'auteur souligne une conséquence intéressante de la démarche scientifique : bien qu'elle soit à la recherche de règles universalisables, valables en toute situation, en tout lieu, elle aurait plus contribué à un éclatement des modèles d'explication qu'à la découverte d'une vérité unique s'appliquant à tout. En effet, il semble que chaque modèle scientifique s'efforce d'abord d'expliquer un groupe restreint de phénomènes avec précision, puis tente de s'élargir à des supports de plus en plus variés. [...]
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