La théorie du contrat social de Rousseau est l'une des plus illustres de l'histoire de la philosophie politique : c'est elle qui fonde la légitimité de l'Etat démocratique. En voulant dépasser l'antinomie entre libéralisme et absolutisme, Rousseau développe ce que l'on appellera plus tard la démocratie : l'Etat peut avoir un pouvoir absolu sur ses sujets (comme l'exige l'absolutisme) tout en maintenant leur pleine liberté (comme le requiert le libéralisme). Pour cela, les sujets doivent obéir à la loi qu'ils se sont donnés à eux-mêmes comme corps constitué, en tant qu'ils sont le peuple. Mais comment une multitude peut-elle savoir quel contenu donner à cette loi ? Le peuple a dans cette entreprise besoin d'un guide, qui l'aide à trouver un contenu à la loi qu'il veut promulguer. Pour autant, si c'est cet homme extraordinaire qui décide de la loi, comment le peuple peut être reconnu comme libre ? C'est ce problème fondamental que nous abordons dans cette étude suivie du texte du Contrat Social.
[...] Rousseau insiste en effet sur la nécessité pour le peuple d'être déjà lié par quelque union d'origine Les lois ne doivent jamais contraindre l'opinion publique. Ce qu'on peut appeler fonction dialectique de la loi (comme le fait S. Goyard Fabre dans Politique et philosophie dans l'œuvre de J.J. Rousseau) doit être perçue dans son ensemble : la loi fait en effet passer l'homme de l'état de nature à l'état civil, en éveillant notamment la raison en chaque individu, et en transformant par-là même le rapport entre l'homme et le monde. [...]
[...] Comment circonscrire son pouvoir pour que celui-ci ne déborde pas sur celui, inaliénable, de la volonté générale ? N'est-ce pas paradoxal de définir la loi par la volonté générale et de confier ce pouvoir à un seul homme ? Il est ici primordial de comprendre que le législateur ne devient à aucun moment souverain. On a déjà souligné le fait que ce soit seulement quant à l'énonciation de la loi, c'est-à-dire au choix de la matière, que le peuple était incapable. Il reste néanmoins le souverain. [...]
[...] C'est à travers cette comparaison que l'on doit comprendre la place des chapitres sur le peuple : le législateur ne rédige les lois qu'en fonction du peuple pour lequel il les rédige. Comme avant d'élever un grand édifice l'architecte observe et sonde le sol, pour voir s'il en peut soutenir le poids, le sage instituteur ne commence pas par rédiger de bonnes lois en elles-mêmes, mais il examine auparavant si le peuple auquel il les destine est propre à les supporter Que faut-il que le législateur prenne en compte pour que les lois soient adaptées au peuple auquel elles sont destinées ? [...]
[...] Elles donnent aux normes naturelles la dimension humaine qui les rendent accessibles et effectives. C'est en ce sens aussi que le législateur doit avoir une connaissance parfaite du peuple auquel il proposera les lois, car sinon, celles-ci risquent d'aller à l'encontre de l'opinion publique et on verra [alors] les lois s'affaiblir insensiblement, la constitution s'altérer, et l'Etat ne cessera d'être agité jusqu'à ce qu'il soit détruit ou changé, et que l'invincible nature ait repris son empire La distinction entre le droit proprement naturel et le droit naturel raisonné prend, à travers cette fonction dialectique de la loi tout son sens. [...]
[...] Il faut, selon Rousseau, qu'en me soumettant à l'Etat, je ne me soumette qu'à la loi : celle-ci accomplit le prodige de me rendre à la fois libre et dépendant du corps politique. La loi est en effet la déclaration publique et solennelle de la volonté générale, sur un objet d'intérêt commun (Lettres écrites de la montagne). Il s'agit donc pour Rousseau dans les sept chapitres du livre II, après avoir comme nous l'avons dit, défini et caractérisé la volonté générale, de comprendre ce qu'est la loi, et surtout de légitimer le rôle du législateur, qui ne devra jamais se substituer à la volonté générale en tant qu'elle est législatrice. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture