L'ambition de cet essai est d'exposer les théories du philosophe Agamben en ce qui concerne l'état d'exception, la souveraineté et la vie nue qui sont, nous le verrons, étroitement liés. Je tenterai de montrer que malgré la pertinence de beaucoup des arguments de Giorgio Agamben, ses travaux soulèvent de nombreuses interrogations et donnent lieu à de multiples objections.
Dans une première partie je m'attarderai plus spécialement sur le concept d'état d'exception, qui est en quelque sorte inhérent à la souveraineté comme mécanisme de la biopolitique, puis dans une seconde partie nous verrons plus spécialement ce qu'il en est de l'objet de cette biopolitique, véritable appareil de capture, et qui est la vie nue.
Le point de départ de l'auteur est le constat suivant : depuis toujours, le droit public manque d'une théorie cohérente de l'état d'exception.
Pour le juriste, en effet, l'état d'exception, en tant qu'il est davantage une question de fait qu'une question juridique proprement dite, est réponse à une nécessité qui l'exige comme tel. Necessitas legem non habet est à entendre, selon G. Agamben, en ses deux sens opposés : « La nécessité ne reconnaît aucune loi » et « la nécessité crée sa propre loi » (ou, comme on dit, nécessité fait loi).
D'une part, l'état de nécessité sur lequel se fonde l'état d'exception ne saurait avoir de forme juridique. D'autre part, la définition du terme même est rendue difficile en tant qu'elle se situe à la limite entre la politique et le droit. D'où l'opinion selon laquelle l'état d'exception serait « un point de déséquilibre entre le droit public et le fait politique » qui – comme la guerre civile, l'insurrection et la résistance – se situe dans une « frange ambiguë et incertaine, à l'intersection entre le juridique et le politique ».
Par là même l'état d'exception pose le problème de la limite et celui du statut des mesures exceptionnelles en tant qu'elles sont des mesures juridiques – dont la rationalité est politique – qui ne peuvent être comprises sur le plan du droit en tant que tel. Il s'en déduit une définition de l'état d'exception : c'est la notion de la forme légale de ce qui ne saurait avoir de forme légale.
Ainsi, l'exception apparaît comme le dispositif original grâce auquel le droit – en tant que système de règles symboliques – se réfère à la vie (réelle) et l'inclut en lui du fait de sa propre suspension. Dans cette perspective, une théorie de l'état d'exception est nécessaire pour définir et penser la relation qui lie et, en même temps, abandonne le vivant au droit.
[...] L'état d'exception est donc le revers de la norme, non le contraire de l'ordre institué, mais le principe qui lui est immanent. Le camp nomme cet espace dans l'histoire récente, en tant notamment qu'il est le moment où la règle et l'exception deviennent indiscernables, et où, à partir de là, les limites mêmes de l'espace d'exception tendent à se dissoudre, et à généraliser par là même la structure de l'exception, qui elle-même tend alors à concerner immédiatement et en permanence l'ensemble des hommes. [...]
[...] Par conséquent, une telle identité n'est posée que sur fond d'un isolement préalable de la vie nue. Même si cette opération n'est pas explicitée comme telle, elle est pourtant seule à même de rendre compte du fait qu'il y aura, justement, des exceptions : si la figure du réfugié, ou de l'immigré sans papiers, est si cruciale aujourd'hui, c'est parce qu'elle révèle le caractère en définitive illusoire de cette identité entre naissance et souveraineté (ou entre vie nue et politique) dans le cadre de l'État-nation et où ce dernier se trouve par là même mis en crise. [...]
[...] Dans Théologie politique en revanche, l'opérateur de l'inscription de l'état d'exception dans l'ordre juridique est la distinction entre la norme et la décision. Ce qui suspend l'état d'exception tout en le maintenant en vigueur, c'est la norme ; et ce faisant, il révèle un élément formel spécifiquement juridique, que C. Schmitt appelle la décision. C'est cette catégorie qui assure l'articulation entre théorie de l'état d'exception et doctrine de la souveraineté : Le souverain, qui peut décider de l'état d'exception, garantit son ancrage dans l'ordre juridique. [...]
[...] La critique de la violence n'évalue pas la violence par rapport aux fins qu'elle poursuit comme moyen, mais en cherche le critère dans une distinction dans la sphère même des moyens, sans égard aux fins qu'ils poursuivent. [...]
[...] J'en viens à me demander si la fête qu'Agamben considère comme anomique n'est pas en quelque sorte la fusion de l'auctoritas et de la potestas dans une sorte d'état d'exception qui n'a pas force de loi mais j'allais dire force de règle où là on revient au paradigme de Schmitt selon lequel l'état d'exception n'est pas chaos mais contient un ordre (qui n'a pas cependant ici force de loi) et qui est tout aussi différent de la violence pure de Benjamin où la déliaison entre violence et norme est totale. Mais venons en maintenant au problème de l'état d'exception dans son rapport avec la biopolitique et la vie nue. [...]
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