Nous autres, modernes, reprend en quatre leçons les cours de philosophie qu'Alain Finkielkraut donne à l'Ecole Polytechnique. Son axe principal est celui de la déception vis-à-vis de la modernité. Il montre que le projet moderne qui consiste à dominer la nature au moyen de la raison, se révèle être un projet démesuré qui met en danger l'homme lui-même. Après avoir montré la contradiction interne à la modernité, Finkielkraut revient sur les ravages que l'humanisme fait peser sur le savoir en montrant comment la méthode scientifique a renvoyé les Lettres dans le domaine de l'ineptie. Ensuite, il concentre son effort sur le XXe siècle et son articulation entre le XIXe et le XXIe siècle. Enfin, il achève par une invitation à l'autolimitation du principe de raison au moyen d'une heuristique de la peur et d'une pacification des relations de l'homme moderne avec la mort (...)
[...] Ainsi conclut Finkielkraut, en 1977, tout d'un coup, il est devenu moderne d'épouser le mouvement démocratique vers l'équivalence généralisée des pratiques culturelles (p. 56). Barthes dénonce les mythologies de la société de consommation, il dénigre la culture de masse, c'est-à-dire la télévision, la radio, le cinéma, tout en reconnaissant les défauts des institutions de la classe bourgeoise, qui agissent selon lui comme une vaccine c'est-à-dire comme un moyen de cacher le caractère foncièrement pernicieux de la domination bourgeoise. Mais avec le tournant de 1977 lorsque le marxisme ne va plus de soi, la critique de l'aliénation des masses se mue en une critique aristocratique visant à renier l'égalité entre les hommes. [...]
[...] Si ce siècle vient de s'achever, l'homme moderne n'est pas encore sorti de l'âge de la radicalité (p. 226). Le XXe siècle compromet définitivement l'aura et les principes dont les intellectuels se réclament. Il oblige à distinguer ce que les Lumières ont confondu : l'autonomie et la maîtrise. La liberté de l'individu engendre aussi davantage de difficultés pour maîtriser la vie sociale. La raison ne peut pas tout régir. Finkielkraut cite en exemple Nous autres de Zamiatine qui imagine un monde où tout est prévisible et calculable, où l'Etat a éliminé toutes les passions fauteuses de troubles telles que l'amour. [...]
[...] Même s'il ouvre un espace d'interrogation plus dense et plus confus, le marketing accomplit un travail démocratique. Finkielkraut conclut que la critique de la bêtise est ici renversée en bêtise de l'élitisme (p. 60). En face de ces penseurs néo-modernes on trouve les penseurs modernes et demi, ceux que Finkielkraut appelle les archéo-Modernes Ils critiquent les blocages que suscite la société de consommation : elle interdit à l'individu de s'inventer. Mais tous n'écoutent pas le vocabulaire qu'ils emploient. En revanche, Arendt prend la consommation au mot, et l'analyse comme une ingurgitation. [...]
[...] Il voit les mondes finir là où d'autres regardent s'accomplir la fin de l'histoire. Il perçoit comme une menace l'approche technicienne du monde symbolique. Il est un pessimiste convaincu que seuls certains aspects de la misère humaine peuvent être combattus, mais qu'une part de notre misère est incurable. Les totalitarismes du XXe siècle ratifient l'hostilité du conservateur aux tentatives de transformer la réalité humaine de manière à trouver une solution prometteuse au problème humain. Pourtant le conservatisme est devenu un péché aux yeux de tous. [...]
[...] Alors que les Grecs vivent dans l'élément de la nature, les hommes modernes vivent dans l'élément de l'histoire. La borne est devenue une frontière qu'il faut faire reculer à tout prix. La formule de Coubertin plus vite, plus haut, plus fort devient selon Finkielkraut : trop vite, trop haut, trop fort Le spectacle de la perfection laisse la place au perfectionnement continu de l'espèce humaine. Avec le dopage médicalisé et bientôt génétique, l'homme s'efface et laisse la place à la machine humaine, au post-humain. [...]
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