La théorie de la relativité d'Einstein – Eléments pour une théorie de la connaissance est paru en 1921 à Berlin. Cassirer rédige cet ouvrage après avoir publié des études sur Hölderlin, Kant, Goethe, et Kleist entre 1917 et 1919, et après avoir achevé le troisième volume du Problème de la connaissance dans la philosophie et la science des temps modernes en 1920. Ce philosophe suit donc une trajectoire qui va des ‘humanités' à la science et, dans cet ouvrage écrit quinze ans après les premières publications d'Einstein sur la relativité, il nous donne une interprétation de la théorie de la relativité qui se pose en défense de son école de pensée, le néokantisme. Ce livre peut être divisé en deux grandes parties : la première partie (chap. 1 à 3) examine la théorie de la relativité, produit de l'activité scientifique, d'un point de vue philosophique ; la seconde partie (chap. 4 à 6) traite des concepts spécifiques de la théorie de la relativité (espace, temps, matière, éther, etc.) et permet de renforcer les thèses développées dans la première partie. Enfin, le dernier chapitre est une conclusion qui porte sur la question de la définition de ce que l'on peut appeler ‘réalité'. Dans son avant-propos, Cassirer explique son dessein :
« Cet ouvrage aurait atteint son but s'il parvenait à ouvrir la voie à une compréhension mutuelle entre les philosophes et les physiciens sur des questions au sujet desquelles leurs jugements demeurent encore profondément divergents. »
Son ambition est donc de bâtir un pont entre deux rivages : celui de la philosophie et celui de la science moderne. Nous examinerons ce livre à la lumière de cette question : l'auteur parvient-il à montrer la pertinence de sa théorie sur la connaissance en servant de la théorie scientifique d'Einstein? Et si tel est le cas, peut-on dire que la lecture de la théorie de la relativité que nous propose l'auteur permet effectivement de rapprocher scientifiques et philosophes ?
[...] Cassirer s'est employé à montrer que la genèse de la théorie de la relativité ne peut être réduite ni à la découverte d'objets ou de lois préexistantes ni à une relativisation simpliste des résultats expérimentaux. Plus généralement, la position épistémologique adoptée permet de garantir une place forte à l'homme en montrant qu'il se donne, par ses innovations intellectuelles, les moyens de son progrès. Mais attention, pour Cassirer, la direction de ce progrès est celle qui s'oppose à l'anthropomorphisme ; si l'initiative des savants prend une place centrale dans l'évolution de la science, les objets de la science ne sont pas pour autant plus facilement accessibles. [...]
[...] Si la théorie de la relativité a apporté des éléments précieux dans cette quête du sens, l'auteur se gardera d'y répondre de façon définitive. On sait qu'après la rédaction de ce livre, Cassirer entreprendra de généraliser son analyse à des domaines autres que la science. C'est en 1922 qu'il rédigera son ouvrage phare La philosophie des formes symboliques dans laquelle il étudiera le rôle de la fonction symbolique dans l'art, le mythe, la religion et la science, des formes culturelles qu'il perçoit comme autant de modes d'objectivation. [...]
[...] Et si tel est le cas, peut-on dire que la lecture de la théorie de la relativité que nous propose l'auteur permet effectivement de rapprocher scientifiques et philosophes ? 2. Le néokantisme Dans le premier chapitre de l'ouvrage, intitulé Concept de mesure et concept de chose, Cassirer énonce clairement son orientation épistémologique : nombre de savants, philosophes ou physiciens, ont prétendu que la théorie de la relativité d'Einstein contredisait les thèses de la philosophie transcendantale développée par Kant dans la Critique de la Raison Pure et cela est éminemment erroné. [...]
[...] Aussi, en tant que réfutation d'une réfutation, l'ouvrage est une réussite indéniable, mais une double négation n'équivaut pas nécessairement à une affirmation. Les philosophes des sciences néo-kantiens se sentiront réconfortés par les thèses de Cassirer et pourront y trouver une réhabilitation du rôle de la philosophie transcendantale; mais il semble peu probable que les épistémologues des autres écoles de pensée adhèrent à l'idéalisme critique après la lecture de ce livre. En ce qui concerne les scientifiques non-initiés aux arcanes de la théorie de la connaissance, ils peuvent trouver là des amorces de réponses à leurs interrogations fondamentales sur la structure de la science, l'exemple de la relativité n'étant là que pour étayer une perspective plus générale. [...]
[...] Il est regrettable, d'après Cassirer que cette voie n'ait pas abouti, et qu'elle tomba dans un discrédit total après le développement de la physique newtonienne. Le lecteur ne manquera pas de remarquer que cette vision de l'histoire des sciences est surprenante : on attribue généralement le génie de Newton au fait qu'il ait réfuté les thèses de Descartes qui tentaient de réduire la mécanique à la cinématique. Or là, Cassirer nous dit que Newton écarta du même coup la perspective nouvelle qu'elle [la métaphysique cartésienne] contenait. [...]
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