Au beau milieu du récit de la défaite Athénienne, Démosthène, dans un ample mouvement rhétorique, fait une peinture très vive du mal qui rongeait les Etats grecs : la corruption, mal suprême enfanté à la fois par l'esprit de jouissance et par l'égoïsme, mouvement irréversible de l'Histoire, attisé par Eschine, contre lequel il a seul vainement tenté de lutter.
Depuis les §§ 17-18, Démosthène s'est engagé dans la narration ou dihvghsiς, qui consiste à répondre à la troisième accusation portée par Eschine : celle d'avoir mené une politique funeste à la cité. Cette narration aurait été extrêmement longue et extrêmement ennuyeuse sans l'habileté de Démosthène qui sait faire varier les points de vue, les registres de langue, et qui sait surtout préparer le moment où il va être amené pour la première fois à se louer lui-même (exercice dont on sait depuis l'exorde la difficulté, cf. § 4) : notre texte.
[...] Ensuite, il saisit l'occasion du procès pour dévoiler ce que peut-être il n'a jamais pu dire ainsi: dévoiler, alors même que le temps de l'action est fini, aux hommes de bonne volonté l'étendue du mal : oJ tou` g j eijdevnai ta; toiau`ta kairo;ς ajei; pavresti toi`ς eu\ fronou`sin. Ainsi, il peut justifier sa conduite, ses avertissements passés, il peut poser en seul juste, quasi omniprésent (cf. 45 et 49) sur une pa`s j hJ oijkoumevnh déchirée par les luttes intestines et les trahisons, seul rempart trop faible hélas contre l'anéantissement certain (ajpolwlekevnai, ajpolwvleite) des multitudes, et même des chefs corrompus. Enfin, il saisit admirablement l'esprit du temps. Le procès vient tard après les faits. [...]
[...] elle n'indique pas clairement la nature et l'identité des moteurs de l'Histoire : quels sont les Etats, les povleiς, les tw`n de; ijdiwtw`n kai; pollw`n, aJpavntwn, eJkavstwn, eJtevrwn . Les masses se mêlent aux particuliers, les groupes aux individus, tous noyés dans la défaite. elle donne lieu à un certain flottement de point de vue : Démosthène traduit ici la pensée des simples particuliers (avec les infinitifs futurs et surtout o{tan bouvlwntai), et passe, pour résumer grossièrement, du point de vue de Sirius à celui du ciron. elle comporte une unité phonique (et donc rythmique) tout à fait remarquable, du fait des nombreux génitifs absolus. [...]
[...] Le cas des chefs est bien plus marqué (version forte de la métaphore). Elle était déjà mentionnée dans le 45 : dwrodokouvntwn kai; diafqeiromevnwn ejpi; crhvmasi. Elle s'accentue avec les verbes pwlei`n et pipravskein, quasi synonymes, qui témoignent d'une véritable activité de commerce, voire de prostitution. En effet, à des rapports originels de gratuité (fivlwn kai; xevnwn) ils ont voulu substituer des clientèles d'argent, tout en gardant l'apparence de la gratuité et de la concorde. Mais le sortilège de l'argent (changer l'essence tout en maintenant l'apparence) s'est bien vite évanoui, ce que fait sentir l'infinitif aoriste aijsqevsqai, traduisant la brutalité de la surprise, ainsi que la brusque volte-face du prétendant (oJ zhtw`n) devenu maître (ejgkrathvς, despovthς), fortement martelée : tovte dh; kai; misei` kai; ajpistei` kai; prophlakivzei. [...]
[...] Démosthène montre encore l'ampleur du mal, une épidémie générale qui a touché, comme il le disait au début du texte, Athènes (par j uJmin) et tous les lieux où il se rendit en mission (o{poi pemfqeivhn). Une sorte de conflit mondial, en quelque sorte. Et cette liste enfin sert d'avertissement pour le dernier des traîtres vivants et en activité, même après la défaite et le succès de ses menées : Eschine, qui est enfin nommé et même apostrophé à la fin du texte, après la foule des anonymes, et la liste des traîtres déchus. [...]
[...] Introduction Depuis les 17-18, Démosthène s'est engagé dans la narration ou dihvghsiς, qui consiste à répondre à la troisième accusation portée par Eschine : celle d'avoir mené une politique funeste à la cité. Cette narration aurait été extrêmement longue et extrêmement ennuyeuse sans l'habileté de Démosthène qui sait faire varier les points de vue, les registres de langue, et qui sait surtout préparer le moment où il va être amené pour la première fois à se louer lui-même (exercice dont on sait depuis l'exorde la difficulté, cf. [...]
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