Défaite de la pensée, Alain Finkielkraut

Résumé du document

Le terme de culture a aujourd'hui deux significations. La première affirme l'éminence de la vie avec la pensée ; la seconde la récuse.
Malaise dans la culture.
Allégresse avec laquelle les desservants de l'activité actuelle, à l'encontre de leur vocation millénaire, flétrissent le sentiment de l'universel et glorifient les particularismes. Ils abandonnent le souci de leurs valeurs immuables pour mettre tout leur talent et tout leur prestige au service de l'esprit local, pour attiser les exclusivités, pour exhorter leur nation à s'étreindre.
Transmutation de la culture en ma culture.

La seconde signification du mot culture est un legs du romantisme allemand.
Herder affirme que toutes les nations de la terre ont un mode d'être unique et irremplaçable.
Décontextualiser les œuvres humaines, les extraire du lieu où elles ont été produites, et les juger ensuite selon les critères intertemporels du Bien, du Vrai ou du Beau, Herder veut mettre fin à cette sécularisation.

Extraits

[...] Une société polymorphe qui mettrait toutes les formes de vie à la disposition de chaque individu. Métissage généralisé, droit de chacun à la spécificité de l'autre. Version édulcorée, la part d'elles- mêmes qu'ils peuvent tester, savourer et jeter après usage. Toutes les cultures sont également légitimes et tout est culturel. C'est la collectivité qui s'exprime et non l'individu isolé dans son génie, séparé des autres par sa pseudo-maîtrise. Le footballeur et le chorégraphe, le peintre et le couturier, l'écrivain et le concepteur, le musicien et le rockeur, sont au même titre des créateurs. [...]

[...] Affirmer radicalement leur autonomie. Le gouvernement est un bien qui appartient au corps de la nation et dont les princes ne sont jamais que les usufruitiers, les ministres ou les dépositaires. Pour les conservateurs, ceci est un pêché originel, une présomption fatale dont découle inexorablement la dissolution de l'ensemble social. La société ne naît pas de l'homme aussi loin qu'on remonte dans l'histoire c'est lui qui naît dans une société déjà donnée. Volontarisme désastreux, frénésie d'abstraction, délire prométhéen qui, sous couleur de restituer l'autorité politique à la nation, les conduisait tout simplement à prendre sa place et à s'acharner sur les traits distinctifs de son histoire. [...]

[...] Un arbitraire culturel s'arroge le monopole de la légitimité. Portrait du décolonisé La philosophie de la décolonisation a aidé sans aucun doute les peuples du tiers monde à s'affranchir de la table des valeurs au nom de laquelle avait pu se faire leur asservissement. Idée que les cultures sont équivalentes et que chacune se justifie à l'intérieur de son propre contexte. Le thème de l'identité culturelle permettait donc aux colonisés de se dégager du mimétisme, de substituer à la dégradante parodie de l'envahisseur l'affirmation de leur différence. [...]

[...] Convaincus d'émanciper leurs esprits, ils n'ont réussi qu'à les déraciner. L'individu s'est en réalité vidé de son être. Il faut voir dans l'opinion commune l'humus où la pensée s'alimente, son foyer central, l'origine ou la matrice dont elle procède et non, comme les philosophes, l'autorité étrangère qui la surplombe et qui l'écrase. Leur haine de la modernité engendre une conception de l'homme radicalement nouvelle. Leur nostalgie inaugure dans le savoir une mutation dont nous sommes encore largement tributaires. Qu'est-ce qu'une nation ? [...]

[...] L'affaire reste sur le terrain philosophique de la perte de l'Alsace Lorraine. Jamais il est vrai les deux visions de la nation, de l'homme, de la culture n'ont divisé la conscience européenne depuis la RF avec une telle clarté. En réhabilitant Dreyfus, la France répond par la négative et préfère in extremis la définition contractuelle de la société à l'idée d'âme collective. Deuxième partie La trahison généreuse Un monde desoccidentalise 1945 : acte constitutif de l'Organisation des Nations Unies pour la science et la culture. [...]