Une décision absurde, c'est "l'action radicale et persistante d'un individu contre le but même qu'il veut atteindre, dans le cadre de la rationalité de référence de cet individu ou de ce groupe". Les cas que C. Moral étudie sont très variés (pilotage, navires, décisions de copropriété, de management) et illustrent une déconnexion entre l'action menée et le but poursuivi.
A l'image de Freud qui peut analyser l'inconscient et en comprendre les mécanismes au travers des personnes atteintes de troubles mentaux, C. Morel analyse les décisions absurdes et le processus qui mène à agir de façon radicale et persistance contre l'objectif. Il ne s'agit pas d'identifier un modèle global, mais de donner trois éclairages: les erreurs de raisonnement, les phénomènes collectifs, ou des actions vidées de leur sens.
[...] De même, deux objectifs simultanés peuvent se contredire, et s'exclure l'un l'autre, d'où une recherche de compromis, qui mène à une décision absurde. Cette situation s'exerce dans le cas d'un "consensus mou", en l'absence d'arbitrage ou de débat. Dans certains cas, la solution s'autolégitime. Pierre Boulle, dans son libre le Pont de la rivière Kwai, illustre ce phénomène: son héros construit un pont pour son ennemi, en perdant de vue son objectif. L'action est une fin en soi, les solutions sont vides d'objectif. [...]
[...] Finalement, la perte de sens, comme l'affirme C. Morel, favorise la validation collective: chaque acteur peut donner le sens qu'il veut à une décision et lui octroyer l'objectif qu'il souhaite. Ainsi, des décisions absurdes peuvent apparaître comme parfaitement normales, en se donnant un autre objectif, ou en se conformant à des buts secondaires. Cette partie est intéressante dans le sens où elle met en évidence la nécessité d'agir : par le manager lui-même (et non pas par délégation, pour éviter la dilution de l'objectif), et dans l'objectif d'éviter le consensus mou, de motiver le débat. [...]
[...] Qu'il s'agisse de la persuasion que l'autre est plus compétent, de la peur d'être ridicule, le respect aveugle de la hiérarchie ou du règlement (le cas de la collusion des pétroliers qui ont perdu de vue l'objectif), le malentendu du silence, etc. la décision absurde est inévitable et l'acceptation collective fonde sa rationalité. Une citation marquante est la suivante : "le silence entraîne l'illusion de l'unanimité". Nous croyons que nous ne pouvons pas parler si on n'est pas dans le rôle d'un expert : la peur d'être mal considéré, la pression hiérarchique, ou la crainte de rompre un équilibre social fragile (chacun pense satisfaire les autres, tandis que personne ne souhaite lui-même la solution) jouent un rôle déterminant. [...]
[...] En effet, il n'existe pas de théorie nous livrant la vérité absolue ou la méthode miracle, l'esprit humain étant plus complexe et les effets pervers de la coordination très présents. Ainsi, en lisant entre les lignes du livre, des pistes sont proposées: la nécessité d'écouter et dialoguer, de parler des erreurs, et la prise en compte des erreurs et expériences passées. L'analyse téléologique: l'absence de sens de l'action finale Des décisions peuvent être absurdes, car elles n'ont tout simplement pas de sens. L'objectif peut être "incertain, absent, non contrôlable ou inconsistant". [...]
[...] Il est ainsi intéressant de ne pas avoir une lecture uniquement "passive" du livre, mais au contraire de "jouer le jeu": la tentation est immédiate de chercher des exemples dans sa propre vie quotidienne pour illustrer les mécanismes qu'explicite l'auteur. Finalement, il faut garder à l'esprit que l'absurdité fait partie de l'homme et peut se révéler positif. Certains raisonnements rudimentaires peuvent certes mener à l'absurdité, mais aussi à l'innovation et au progrès de l'humanité, et c'est peut-être également ce qui fait toute la richesse de l'être humain. [...]
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