La conquête de l’Amérique. La question de l’autre, Tzetan Todorov, découverte de l'Amérique, conquête de l'Amérique, altérité, découvrir, conquérir, aimer, connaitre
L'essai de Tzvetan Todorov, La conquête de l'Amérique, La question de l'autre, publié en 1982 aux éditions Seuil, se donne pour objectif de présenter la découverte et la conquête de l'Amérique par l'adoption d'un angle de vue analytique, à savoir celui du rapport à ce que l'on nomme « l'Autre », donc à travers le prisme de l'altérité.
Ayant fui le joug de l'Union soviétique criant en Bulgarie, son pays d'origine, Tzvetan Todorov obtient un visa pour la France en 1963, et s'installe à Paris en tant qu' historien, philosophe et sémio logiste, menant dés lors des recherches au Centre de recherches sur les arts et le langage du CNRS, dont il deviendra le directeur en 1987.
[...] Or, Colon a cette idée en tête à un siècle où les croisades n'existent plus ; on voit ainsi que le mode de pensée de Colon se situe à mi-chemin entre la période médiévale et les Temps modernes, ce qui fonde déjà un premier paradoxe et introduit l'ambivalence du comportement qu'il va avoir vis-à-vis des Indiens d'Amérique. La pensée profondément pieuse de Colon a un impact décisif sur sa manière d'envisager le monde, mais aussi les autres humains. C'est ainsi que Colon souhaite ramener sur le continent européen des échantillons de l'Amérique, dans lesquels il range autant des plantes, des matériaux, des animaux, que des humains. Cela constitue l'un des traits clés dans sa conception du rapport à l'Autre, qui n'est pas perçu comme un humain s'il n'a pas des mœurs identiques aux siennes. [...]
[...] En effet, les peuples révoltés contre Moctezuma - l'empereur de l'empire aztèque- voient en les espagnols des alliés, et les espagnols trouvent en ces peuples non seulement des alliés dans la guerre, mais aussi une grande source de renseignements, qui s'avérera décisive dans la défaite de l'empire aztèque. Celle que l'on nomme la Malinche maitresse indienne de Cortès, révoltée contre Moctezuma, en sera l'exemple le plus saillant. De plus, les espagnols ne ramènent pas seulement les armes et la religion, ils transportent aussi des maladies inconnues en Amérique, qui déciment un tiers de la population. On peut ainsi imaginer le désarroi et la désorganisation dans laquelle se trouve l'empire aztèque à ce moment-là. [...]
[...] Le désarroi psychologique est aussi marqué par la cruauté des espagnols envers la population aztèque : viols des femmes, massacre de nouveaux nés. Pour Todorov, cette cruauté de la part des conquistadors annonce la barbarie humaine des Temps modernes. Si des débats émergent peu à peu quant à l'humanité des indiens, l'affirmation de leur égalité ne s'affirme jamais en tant qu'ils sont des humains égaux et différents. C'est notamment ce qui ressort de ce que l'on a appelé la controverse de Valladolid où Sepulveda, qui s'opposait à Las Casas, se référait à l'idée d'« esclaves naturels d'Aristote pour justifier l'infériorité des Indiens, lorsque Las Casas affirmait l'humanité et l'égalité des Indiens, naturellement prédisposés au christianisme. [...]
[...] Les espagnols sont plus doués en communication inter humaine que les Indiens, et cela est décisif dans l'explication de leur victoire. On doit aussi attacher une importance particulière dans le fait que certains espagnols, notamment Cortès, cherchent à comprendre le mode de vie et les croyances aztèques, car c'est précisément en comprenant l'autre qu'on peut cerner ses failles, et ainsi mieux le détruire. Cortès sait par ailleurs orienter son discours et le façonner selon l'objectif qu'il cherche à atteindre : lorsque les Indiens utilisent le langage pour s'intégrer à une communauté, les espagnols l'utilisent à des buts de manipulation, annonciateurs de la destruction. [...]
[...] Ce point, que met en exergue Todorov, est relativement important, car il révèle, par l'exemple du rapport colonisateurs/colonisés en Amérique, l'un des fondements de la relation d'inégalité qui se retrouve régulièrement dans les relations entre colonisateurs et colonisés. Tel que l'écrit Todorov, on refuse l'existence d'une substance humaine réellement autre Ainsi, pour pouvoir considérer l'autre comme égal, il faut le percevoir comme identique, et si ce n'est pas le cas, le rendre identique. La politique d'égalité est intrinsèquement liée à celle d'assimilation dans l'esprit des conquistadors. Après avoir emmagasiné le choc de la découverte d'un nouveau continent et d'un nouveau peuple, on va donc tenter d'assimiler ce peuple selon nos intérêts, et cela, par la conquête. [...]
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