En réaction au projet de Constitution du jacobin Marie- Jean Hérault de Séchelles, le marquis de Condorcet publia en 1793 un ouvrage critique intitulé « Aux citoyens français sur le nouveau projet de Constitution ». Suite à cet acte de trahison, un mandat d'arrêt fut délivré contre Condorcet qui se réfugia pendant cinq mois dans la demeure de Madame de Vernet, rue de Servandoni à Paris. Durant cette période de claustration allant de la fin de l'année 1793 au printemps de l'année 1794, le philosophe consacra son temps à la rédaction de son œuvre majeure, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, qui fut publiée de manière posthume. En tant que mathématicien, homme politique et philosophe des Lumières, Condorcet s'inscrivit particulièrement dans les progrès de son temps en tentant de réformer la société française par le biais des savoirs et de la raison. De ce fait, dans l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, l'auteur récapitule l'histoire de l'esprit humain dans ses réalisations scientifiques et politiques, et fixe le modèle de recherche sur l'histoire utilisé par les philosophes des Lumières. Découpée en dix époques, cette esquisse didactique suit un cheminement historique linéaire soulignant les grandes découvertes humaines.
L'extrait qui nous est proposé correspond à la dernière époque abordée, intitulée « Des progrès futurs de l'esprit humain », il est construit sous la forme d'une introduction dégageant trois questions principales à laquelle l'auteur répondra au fil de cet ultime chapitre. Condorcet dresse ainsi les conditions historiques d'un éventuel progrès de la civilisation et s'interroge sur la nature de ce perfectionnement. Dès lors, en quoi la conjonction entre l'idée d'histoire et l'idée de savoir permet-elle à Condorcet d'établir les fondements d'une histoire émancipatrice ? En vue d'analyser la conception historique et la dimension de progrès dans le texte, nous étudierons trois concepts centraux de cet extrait.
En premier lieu, nous considérerons ce passage tel qu'une esquisse optimiste de l'évolution et du progrès de l'esprit humain, puis en second lieu nous nous intéresserons à la primauté de la réflexion des Lumières et de la raison sur le perfectionnement humain, et en dernier lieu nous aborderons la prise de conscience collective comme condition de réalisation de ce « programme historique ».
[...] Dès lors, en quoi la conjonction entre l'idée d'histoire et l'idée de savoir permet-elle à Condorcet d'établir les fondements d'une histoire émancipatrice ? En vue d'analyser la conception historique et la dimension de progrès dans le texte, nous étudierons trois concepts centraux de cet extrait. En premier lieu, nous considérerons ce passage tel qu'une esquisse optimiste de l'évolution et du progrès de l'esprit humain, puis en second lieu nous nous intéresserons à la primauté de la réflexion des Lumières et de la raison sur le perfectionnement humain, et en dernier lieu nous aborderons la prise de conscience collective comme condition de réalisation de ce programme historique Une esquisse optimiste de l'évolution et du progrès de l'esprit humain Un avenir construit sur des espérances quasi-utopistes Selon Condorcet, l'homme poursuit une évolution marquée par trois phénomènes décisifs qui sont l'écriture, l'imprimerie et l'encyclopédie, permettant respectivement une diffusion du savoir à tous, un libre accès et une rédaction des connaissances dans toutes les langues, ainsi qu'un classement de tous les savoirs humains. [...]
[...] De plus, Condorcet organise également un rapport entre les savoirs et la pratique humaine, en analysant les capacités de l'homme grâce aux savoirs et en révélant que seuls les hommes capables de penser sont des hommes libres. En effet, le début du chapitre 10 annonce l'étude d' «une vue d'avenir» qui est ancrée dans l'esprit des Lumières et qui semble dès lors être en accord avec les principes fondamentaux de cette pensée. Ainsi, Condorcet traite de l'idée de progrès, de «perfectionnement humain», «d'art social de «lumières» et les espérances qu'ils envisagent sont également conformes aux Lumières puisqu'elles ont pour dénominateur commun une volonté d'égalité et un élargissement de la pensée grâce aux savoirs. [...]
[...] Sur les conditions historiques des progrès des sociétés : une vue d'avenir dans l'esprit des Lumières extrait de Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain Introduction En réaction au projet de Constitution du jacobin Marie-Jean Hérault de Séchelles, le marquis de Condorcet publia en 1793 un ouvrage critique intitulé Aux citoyens français sur le nouveau projet de Constitution Suite à cet acte de trahison, un mandat d'arrêt fut délivré contre Condorcet qui se réfugia pendant cinq mois dans la demeure de Madame de Vernet, rue de Servandoni à Paris. [...]
[...] Une vision d'avenir ancrée dans l'esprit des Lumières La réflexion de Condorcet s'inscrit pleinement dans celle des Lumières, et les exactions de la Révolution française renforcent cette volonté de progrès, de liberté et de reconnaissance de la pensée individuelle. Les Lumières sont à la fois un siècle, et une philosophie, celle de l'usage public de la raison qui revendique l'idée de démocratie et d'autonomie (se donner à soi même la loi comme être de raison). Ce primat du savoir qui devient condition de la liberté et du progrès se reflète dans l'œuvre de Condorcet qui ne conçoit l'avenir que dans l'esprit des Lumières L'auteur définit les rapports de l'homme et de la société avec les savoirs mais sans faire référence à une quelconque transcendance et il n'inclut en aucun cas l'idée d'un être suprême dans son analyse. [...]
[...] Ces résultats historiques sont selon le philosophe, des évènements passés desquels il est nécessaire de tirer profit en vue de définir «les destinées futures de l'espèce humaine». Les différences de «lumières» entre tous les individus relèvent-elles d'une inégalité de nature, d'un apprentissage moins complet ou d'une impossibilité d'avoir accès aux savoirs ? Dans cet extrait, Condorcet insiste sur l'importance des «outils intellectuels» afin de sortir de l'obscurité, de l'ignorance, mais il ne précise pas l'origine ni la nature réelle de ces inégalités de «lumières». [...]
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