Dominique Schnapper, sociologue, auteur de nombreux ouvrages sur l'immigration, l'idée européenne et sur le chômage, souhaite dans La communauté des citoyens insister sur l'aspect essentiellement civique et politique de la nation moderne. Souhaitant 'expliciter la logique de l'idée de nation', développer 'une théorie de la nation en tant que forme spécifique de l'organisation politique' et dépasser l'opposition séculaire entre la conception volontariste et ethnique de la nation, l'auteur s'interroge constamment sur l'affaiblissement continu de la nation en tant qu'élément constitutif du lien social
[...] Les causes internes sont endogènes. D'une part, le lien social est aujourd'hui moins politique qu'utilitariste et hédoniste. " La démocratie est née sous sa forme nationale, mais l'ambition de donner un contenu concret à l'égalité de droit et la logique du productivisme risquent d'avoir pour effet d'affaiblir durablement le projet politique qui était au fondement de la nation. Concrètement, la solidarité nationale, fondamentale dans la réalisation du projet politique, se heurtent à l'individualisme économique, comme le prouve la question de la protection sociale et des prélèvements obligatoires en France. [...]
[...] En développant ses propres marqueurs identitaires, tels les monuments aux morts en France, il renforce le sentiment d'appartenance nationale du citoyen. L'attache du citoyen devient telle qu'elle peut le conduire au sacrifice de sa vie : " il y a deux choses qu'un peuple démocratique aura toujours beaucoup de peine à faire : commencer la guerre et la finir. Mais ces mêmes nations démocratiques qu'on a tant de peine à entraîner sur les champs de bataille y font quelquefois des choses prodigieuses, quand on est enfin parvenu à leur mettre les armes à la main " (Tocqueville). [...]
[...] L'idée d'une seule idée de nation, mais se traduisant par des projets politiques différents permet cependant mal d'expliquer le cas allemand. La conception de D. Schnapper conduirait, dans l'absolu, à être optimiste sur l'évolution de la nation allemande : un nouveau projet politique, capable de mobiliser les deux Allemagnes en tendant vers plus d'égalité réelle entre allemands de l'est et de l'ouest, permettrait la naissance d'un véritable sentiment national. Mais il semble que cette interprétation sous- estime le poids de l'histoire dans l'attachement national des citoyens. [...]
[...] Divers projets ont ainsi essayé de concilier l'appartenance ethnique et citoyenne, par une dissociation entre la sphère de l'individu et celle du citoyen. Ainsi, à la fin du XIXème siècle, des penseurs juifs nationaliste militaient pour la reconnaissance de l'autonomie culturelle et nationale des juifs, tout en leur conférant le statut de citoyens juifs. Cette question des relations entre les particularismes et la citoyenneté est particulièrement d'actualité dans un monde qui compte, selon Gellner, près de 8000 langues mais seulement 200 nations reconnues internationalement. [...]
[...] La nation civique, reposant sur un projet politique qui permet de dépasser l'opposition classique entre volontaristes et ethnicistes, est aujourd'hui en crise. En effet, comme l'exprimait Renan : " les nations ne sont pas quelque chose d'éternel. Elles ont commencé, elles finiront La décadence de la nation 185) est interne et externe. Les causes externes sont classiques : la mondialisation économique, le développement des flux et des migrations, la construction européenne, affaiblissent la légitimité de la nation sur la scène internationale. Cette faiblesse reste relative. [...]
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