Communément, la fin législative est d'établir les conditions de possibilités de la vie commune des hommes. Mais l'on sait que le pouvoir légiférant contient la possibilité d'abus, surtout lorsqu'il est détenu par un seul ou quelques individus. Selon le schéma platonicien, la monarchie ou l'aristocratie deviennent alors tyrannie ou plutocratie. Mais cette vie commune n'a-t-elle pas toujours une orientation, une finalité, relative au bien ? Quel est pour Platon le caractère propre à une institution légale excellente ? Dans Les lois, au tout début du livre un, trois personnages s'entretiennent sur la route qui part Cnossos, qui est la capitale de la Crète, la ville de Minos, pour aller visiter dans la montagne de Dictè l'antre où Zeus fut nourri par des abeilles et le temple qui lui a été consacré. Chemin faisant, l'Athénien met la conversation sur les lois de Minos et de Lycurgue. Dans le prologue, Clinias, qui vit à Cnosse, et Mégillos qui vit à Lacédémone, ont la certitude que l'agencement des lois de leur cité remonte à Dieu. Mais pour quelle raison ? Est-ce de par leur excellence ? Mais l'on pourrait en définitive se demander quel est le caractère fondamentalement paradigmatique de ces législations. Si donc la législation de Minos a été inspirée par un dieu, il faut croire que Minos n'a pas eu en vue le courage seul, mais aussi toutes les espèces de vertu.
[...] Dans cette époque de polythéisme, les lois peuvent être dictées par des dieux différents suivant les cités. Clinias ajoute que ce dieu législateur est chez lui, à Cnossos, Zeus, et qu'à Lacédémone, c'est Apollon. Il doit en une certaine façon le dire avec un soupçon de fierté. En effet, si Apollon fut le dieu le plus populaire de l'Antiquité, Zeus n'en était pas moins le dieu des dieux, le roi des dieux. Et Apollon n'est pas seulement soumis de manière purement hiérarchique à Zeus, mais par la paternité : il est en effet le fruit des amours de ce dernier avec Léto. [...]
[...] Le repas en commun a une grande utilité pour les soldats pendant la guerre : il permet, lorsqu'ils sont en campagne d'assurer leur garde. Or l'on sait bien que cela n'a aucune utilité en période de paix. Mais pourquoi le législateur impose-t-il les coutumes de guerre jusque dans la paix ? Que fait-il de l'éducation, de la santé, de la vigueur, de la justice et de la tempérance dont le législateur platonicien doit prendre la responsabilité ? Apparaît alors dans les propos de Clinias cette thèse d'une guerre perpétuelle comme condition d'existence de tout homme Il me paraît avoir par là condamné la sottise de la multitude, qui ne veut pas comprendre que tous les hommes d'une cité ont, leur vie durant, une guerre continuelle à soutenir contre toutes les autres cités. [...]
[...] La guerre est la seule finalité, elle est omniprésente et puissante. [ ] et c'est en vertu de ce principe qu'il a commis la garde de ses lois, étant donné qu'aucune autre possession, aucune autre activité n'auront de valeur quelconque, si l'on a finalement le dessus à la guerre ; tous les bien des vaincus passent alors aux mains des vainqueurs. c'est la dernière phrase du texte, et celle qui explicite le mieux les raisons pour lesquelles la loi est dépendante de la guerre. [...]
[...] Il est évident que c'est un homme qui dicte la législation à la plèbe, mais ce qu'il cherche à savoir si le monarque législateur produit ces lois en son entendement ou s'il tire ces lois d'un commandement divin. Il a pour interlocuteur Clinias, qui vit à Cnossos, qui est la capitale de Crète, et Mégillos, davantage auditeur, qui vit à Lacédémone, qui deviendra Sparte. Cela n'est pas anodin : Platon écrit les lois une soixantaine d'année après la guerre du Péloponnèse, qui opposa Sparte et Athènes, et vingt cinq ans après la défaite de Leuctres. [...]
[...] Tous les biens du citoyen sont donc non seulement subordonnée de la domination militaire, mais leur dépendance à l'égard de celle-ci les rend négligeable. Mais ne veut-il pas mieux que le bon législateur règle le militaire en vue de la paix, plutôt que de la subordonner à la guerre ? Ceci demanderait plus de vertu que la guerre qui ne requiert que le courage, elle exige en effet, avec le courage, la justice, la tempérance et la prudence. Minos et Lycurgue légifèrent tout en fonction de la guerre, car il pense la domination comme base de tout bien, mais ils omettent ainsi tous les biens humains. [...]
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