A travers les époques, la poésie a subi de profondes mutations. Ainsi au XXème siècle, elle revendique de plus en plus sa modernité et sa liberté d'expression s'opposant alors nettement aux modèles classiques imposés par l'Antiquité et les auteurs de la Pléiade. De nombreux poètes, tel que Jacques Réda, veulent donc revenir à l'écriture d'un art poétique moins sophistiqué et moins idéalisé, basé sur la vie quotidienne. Dans le texte étudié, « La Bicyclette », extrait de Retour au Calme publié en 1989, Réda s'inspire de cet objet banal du monde du sport et de l'enfance pour faire découvrir au lecteur des sensations inconnues et de facettes insoupçonnées de son environnement. La forme de ce poème est par ailleurs particulière puisqu'il comporte vingt et un vers, sans strophe, en vers libres.
Dans ce poème nous analyserons d'abord les différents aspects de l'harmonie et de la sérénité installés au fil du texte qui permettent une métamorphose singulière et inattendue de la bicyclette. L'association de ces deux éléments entraîne alors le public dans le récit de l'expérience sensorielle surprenante qu'a vécu Réda en écrivant ce poème.
[...] En effet, pour atteindre la position d'astre le vélo s'est enlev[é] d'un seul bond après avoir été effleuré L'utilisation du verbe effleurer fait ainsi la liaison entre la personnification et la magnificence de la bicyclette. C'est en effet en réagissant comme un Homme le ferait à une sensation tactile, que le vélo peut prendre son envol et s'élever en tant qu' astres en fusion Cet accès à l'immortalité, ce destin astral avait été annoncé dès le troisième vers, lorsque la première vision de la bicyclette avait été associée à un torrent de soleil montrant alors déjà bien la puissance qui l'habitait. [...]
[...] Il s'agit en effet d'un alexandrin, donc d'un vers considéré comme parfait dans la poésie classique, notamment lorsque, comme c'est ici le cas, la césure est faite à la sixième syllabe. Réda fait transparaître la perfection de ce seul et unique vers à travers les mots, s'efforçant ainsi d'allier le fond et la forme. Ce troisième et dernier vers irrégulier dans ce poème de quatorze syllabes permet donc de valoriser, la description de la bicyclette. Immédiatement après, ce vélo se transforme en oiseau intégrant alors le règne animal. [...]
[...] Chaque mouvement est accompagné d'une analyse précise de la lueur qui l'accompagne. Ainsi, le passage de la bicyclette est associé à un torrent de soleil par une métaphore, dans le vers trois, tandis que dans le vers cinq, ce déluge ensoleillé se transforme en éclats palpitants toujours grâce à l'expression d'une métaphore, car il a été filtré à travers les feuilles jardin Les quelques scintillements qui se rattachent au rayon vélo »sont eux aussi étudiés par le biais d'une métaphore, celle de gouttes d'or qui permettent une fois de plus de révéler l'importance extrême apportée aux détails par le poème. [...]
[...] Il veut ainsi raconter une histoire au lecteur, bien que celle ci soit ancrée dans l'irréel ; en effet, la métamorphose de la bicyclette s'accentue au fil du texte, devenant de plus en plus abstraite. Ce poème a alors pour but de faire ressentir au public le même sentiment d'élévation et de plénitude que Réda, lui-même, ressent en écrivant cette nouvelle forme de poésie, considéré comme une nouvelle liberté d'expression. L'auteur laisse alors le public s'approprier son œuvre, son univers pour pouvoir leur faire redécouvrir leur environnement quotidien sous un tout nouvel angle, sous une nouvelle lumière, tel que le préconisait Jean Cocteau dans Le Rappel à l'Ordre. [...]
[...] Les vingt et un vers de son poème sont majoritairement composés de vers de quatorze syllabes. Il existe cependant trois exceptions, toutes symboliques et significatives. Le second vers est le premier à dérober à cette presque régularité, puisqu'il ne comporte que treize syllabes. Cette variation, qui inclut donc un vers impair dans La Bicyclette permet la rupture du rythme qui s'était installé avec le premier vers, une rupture avec le quotidien. Ce phénomène est renforcé par l'enjambement entre les deux premiers vers, reliés par le mot soudain marqueur explicite de la brutalité de ce changement. [...]
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