Jean-Pierre Dupuy (né le 20 février 1941) est polytechnicien et ingénieur des mines et philosophe des sciences, professeur de philosophie sociale et politique à l'École polytechnique et à l'Université de Stanford en Californie. Il est membre de l'Académie des technologies.
Dans Pour un catastrophisme éclairé, Dupuy tente de dépasser le modèle du principe de précaution qui présente trois inconvénients :
- la première insuffisance qui entache la notion de précaution est qu'elle ne prend pas la juste mesure du type d'incertitude (ou de risque) auquel nous sommes présentement confronté: une incertitude objective, non épistémique, mais qui n'est pas un aléa
- la deuxième insuffisance du principe de précaution est que, n'arrivant pas à se déprendre d'une normativité qui est celle du calcul des probabilités, il passe à coté de ce qui fait l'essence de la normativité éthique en matière de choix dans l'incertain.
- la raison la plus importante, qui conduit à rejeter le principe de précaution est encore à venir. C'est que, mettant l'accent sur l'incertitude scientifique, il se trompe complètement sur la nature de l'obstacle qui nous empêche d'agir devant la catastrophe. Ce n'est pas l'incertitude, scientifique ou non, qui est l'obstacle, c'est l'impossibilité de croire que le pire va arriver.
L'auteur propose alors une alternative à ce principe de précaution : le catastrophisme éclairé.
[...] La nouveauté réelle réside dans le fait que les croyances et les désirs ne sont plus indépendants de la décision, ils deviennent au contraire à la fois des causes et des raisons de l'action. Il faudrait donc arriver à penser que ces raisons, comme ces causes, puissent suivre cela même dont elles sont les raisons et les causes. La pensée économique semble-t-elle condamnée à ne concevoir la précaution que comme le type de prudence qui se manifeste dans la prévention? [...]
[...] Jonas répond que la mort apparaît comme un défaut évitable L'auteur déclare que les maux, malaises et autres angoisses ne sont pas des fatalités. En revanche, il s'agit de faire comme s'il s'agissait de véritables fatalités, dans le but d'éveiller notre conscience et donc de les éviter. En effet, le philosophe propose : Il s'agit de faire comme si on avait affaire à une fatalité, afin de mieux en détourner le cours. C'est un destin que nous pouvons choisir d'éloigner de nous. [...]
[...] Il s'agit là de montrer un reversement de la temporalité dans le cadre du catastrophisme pour prévenir les risques. A priori parfaitement arbitraire et indéterminée, celle-ci acquiert une valeur d'évidence à mesure que se resserre l'étau de l'opinion collective. C'est une procédure aléatoire qui prend les allures de la nécessité. Efficacité et capacité de révéler des informations cachées : ce sont là deux propriétés que les économistes attribuent volontiers au marché idéal. La distance entre celui-ci et le processus mimétique semble infranchissable. [...]
[...] On peut essayer de considérer l'avenir comme fixe. Considérer cela ne signifie pas ne pas voir que nos actes présents auront un effet causal sur l'avenir, ni même qu'on n'est pas libres d'agir autrement. Ainsi si un de nos actes nous apparaît clairement comme rendant impossible la réalisation de l'avenir qu'on avait prévu, cela signifie juste que nous ne sommes pas capables d'anticiper n'importe quel avenir. Lorsque c'est l'avenir qui est tenu pour fixe, l'anticipation de cet avenir provoque une réaction qui a une conséquence sur l'anticipation elle-même, dans une boucle causale. [...]
[...] Le ‘prophète' est également en mesure de tenir compte du caractère plus ou moins autoréalisateur de sa prophétie. Cela oblige à penser une autre métaphysique qui fasse coexister les deux croyances selon lesquelles d'une part l'avenir que l'on prévoit est une fatalité, et d'autre part par le fait même de cette prévision on agit sur lui de façon causale. La conception traditionnelle du temps un passé fixe et un avenir ouvert correspond à ‘l'arbre de décision' : des possibles préexistent à chaque point de l'arborescence infinie ; le temps choisit l'un d'eux. [...]
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