Dans Le Langage de la Perception, Austin étudie les arguments de l'illusion, et les objecte un à un. Après avoir passé en revue l'ensemble de ces objections, nous en choisirons une pour l'analyser plus en détail.
Dès le chapitre I du Langage de la perception, Austin énonce « la doctrine troublante » de ceux qui, comme Ayer ou Price, considèrent que « jamais nous ne voyons ou nous ne percevons, en tout cas directement, des objets matériels. Ce que nous percevons directement, ce sont seulement des données sensibles (sense-data). » Pour l'auteur, il ne s'agit pas d'apporter une réponse au problème sous-tendu dans la théorie, à savoir étudier si nous pouvons déterminer ce que nous voyons comme étant ou non une illusion. Au contraire, Austin tente simplement de voir si la question elle-même est correctement posée, et corrélativement si tous les jugements qui en découlent sont valides. Pour ce faire, il faut étudier le fondement de la doctrine et voir si les arguments sur lesquels elle repose - et qui sont les conditions de sa validité - sont justifiés.
Austin explique que la « doctrine générale » repose sur un problème du langage étroitement lié à l'argument de l'illusion. En effet, ce dernier permet une dichotomie, une même chose peut être perçue de différentes façons par le simple fait que les apparences sont déterminées causalement de manière subjective. Ainsi, il y a ce que je vois : les données sensibles, et le réel - c'est-à-dire les choses matérielles. Pour l'auteur, si la dichotomie stricte et sans nuances satisfait la rigueur scientifique des érudits, elle ne convient pas au réel et au langage ordinaire qui est beaucoup plus subtil. Ainsi, il semble que la question « quelle sorte de chose percevons-nous ? », supposée par la théorie générale, soit inadéquate et mal posée puisque son fondement peut être remis en cause.
Austin va donc étudier l'argument de l'illusion pour montrer en quoi il ne peut répondre au problème et en quoi il ne peut pas prouver que l'on ne perçoit que des « données sensibles » et non pas des « choses matérielles », c'est-à-dire que nous n'avons pas de rapport direct au réel.
Comment Austin fait-il donc pour détruire l'argument de l'illusion ?
Tout d'abord, nous étudierons l'ensemble des objections qu'il utilise pour montrer la fausseté de l'argument de l'illusion, puis nous en analyserons un en détail.
[...] Je sais que cela est une illusion d'optique due à la réfraction. De toute façon, cette idée repose sur un présupposé faux, à savoir que les deux types d'expériences sont indiscernables. Ce n'est pas parce que parfois j'« omets de distinguer A et B que A et B sont indiscernables. Ou encore, si on reprend l'expérience de Ayer, selon laquelle un correcteur d'épreuves s'est trompé, ce n'est pas parce qu'il a confondu causal et casual que les deux mots sont semblables. [...]
[...] On ne nous informe pas sur ce qu'est la perception. écrit Austin dans le chapitre I du Langage de la Perception, ce qui affaiblit l'argument de l'illusion, étant donné que toutes les données sensibles peuvent être catégorisées. La supposition de leur ubiquité a été glissée dans la doctrine sans explication ou argument d'aucune sorte. Chapitre V. Cette dichotomie se retrouve dans celle qui sépare expérience véridique et expérience trompeuse Il n'est pas possible de les distinguer aussi strictement, le réel ne peut pas se conformer sans nuances à cette partition. [...]
[...] Faute de donner clairement une définition des termes, nous en arrivons à une confusion qui trouble le sens des mots. Il en va de même pour la définition du terme de perception. Ayer et Price tentent de catégoriser nos perceptions en deux genres : des perceptions véridiques et des perceptions trompeuses (nous verrons plus tard en quoi cette double tâche semble être contradictoire). Mais comme ils ne définissent pas ce qu'est une perception, il n'y a pas de critères réels pour déterminer si ce qu'on propose en est une ou pas. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, pour Austin, le cas du miroir n'est pas une illusion au sens où l'entend Ayer, puisqu'il ne peut pas être assimilé à une illusion trompeuse. C'est un fait que presque aucun des exemples cités par Ayer ne serait un cas d'illusion si l'on ne force pas les choses. chapitre I. Puis Austin reprend quelques exemples marginaux en montrant qu'il est illégitime de vouloir absolument classer toutes les expériences perceptibles dans une catégorie ou une autre. Dans certains cas, comme celui du rêve, il est impossible de trancher. La catégorisation scientifique a du mal à s'adapter à la diversité du réel. [...]
[...] Si l'on suit Ayer et Price, on ne peut pas dire que c'est en se rapportant à un monde extérieur qui servirait de norme, puisque nous n'avons pas directement accès à lui. Pour Ayer et Price, en effet, même dans le cas de perception véridique, nous ne sommes pas directement conscients des choses matérielles. chapitre I. Ainsi, dire que nous ne percevons que des données sensibles ne fait pas disparaître le problème, puisqu'il y a toujours une différence entre une donnée sensible qui m'apparaît comme une illusion et une autre comme véridique ; il y a toujours deux niveaux de réalité. [...]
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