On trouve aux détours des pages de l'Éducation Sentimentale, chef d'œuvre inégalé du roman initiatique, quelques observations curieuses et impromptues dont Flaubert parsème son récit et parmi elles, celle-ci : « Les uns désiraient l'Empire, d'autres les Orléans, d'autres le comte de Chambord ; mais tous s'accordaient sur l'urgence de la décentralisation, et plusieurs moyens étaient proposés, tels que ceux-ci : couper Paris en une foule de grandes rues afin d'y établir des villages, transférer à Versailles le siège du gouvernement, mettre à Bourges les écoles, supprimer les bibliothèques, confier tout aux généraux de divisions ; _et on exaltait les campagnes, l'homme illettré ayant naturellement plus de sens que les autres ! Les haines foisonnaient (…) ; car il fallait « relever le principe d'autorité » ; qu'elle s'exerçât au nom de n'importe qui, qu'elle vînt de n'importe où, pourvu que ce fût la Force, l'Autorité ! » [1]
Cet extrait du roman précité paru en 1869 est un bon témoignage, certes teinté du sarcasme de l'auteur, de ce que la France est pleinement perçue en ce milieu du XIXe siècle (période de l'action) comme un État très centralisé autour de la ville hypertrophiée qu'est Paris : la capitale concentre à la fois le pouvoir politique, administratif et les ressources intellectuelles.
En 1850 Tocqueville cherche un vaste sujet d'études qui constituerait la pièce maîtresse de son œuvre et qui lui permettrait de « mêler les faits aux idées, la philosophie de l'histoire à l'histoire même » (Lettre adressée à Gustave de Beaumont du 26 décembre 1850). Après avoir songé à une recherche concernant les causes de l'avènement du Premier Empire, c'est finalement sur la Révolution française elle-même que Tocqueville décide de se pencher : Jean-Jacques Ampère résume ainsi la démarche de son ami : « Il a voulu expliquer ce grand fait [la Révolution], car le besoin de son esprit est de chercher dans les choses la raison des choses. Son but a été de découvrir par l'histoire comment la Révolution française était sortie de l'ancien régime. Pour y parvenir, il a tenté, ce dont on ne s'était guère avisé avant lui, de retrouver et de reconstruire l'état vrai de la vieille société française .»
En effet, un peu à la manière de Charles Nodier qui tente de tirer des ruines les traces architecturales de la France de l'ancien régime dans son ouvrage pléthorique, Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France, Tocqueville brasse les archives pour reconstituer la vie publique et politique, le rôle des administrations dans celle-là, avant l'explosion de la Révolution française.
[...] Tocqueville, malgré son insistance sur l'étendue considérable de ses recherches évidemment, on lui reconnaît ce travail), démontre plus qu'il ne prouve. Dans son ouvrage L'État en France, de 1789 à nos jours, Pierre Rosanvallon s'emploie dans son premier chapitre baptisé Le vieux et le neuf à montrer les insuffisances de la thèse tocquevillienne de la continuité. Tout d'abord, l'argumentation de l'ancien régime et la Révolution est basée sur des constats assez discutables, par exemple la ressemblance entre les préfets et les intendants. [...]
[...] Page 164, éditions folio histoire. Page Correspondance, Madame de Sévigné, Tome éditions de la Pléiade Page 114, éditions folio histoire. Page 116, éditions folio histoire A la découverte de la démocratie naissante, Pierre Birnbaum, Le Monde, dossiers et documents, janv.-01 Page 20, éditions Point histoire Page 22, éditions Point histoire R. Koselleck, Le Règne de la critique, Paris, Minuit page 43, cité par P. Rosanvallon L'État en France, Points histoire, page 25. Partie III, chapitre 8. [...]
[...] On ne peut cependant pas nier la profondeur de la réflexion de Tocqueville, non seulement sur le sens de l'histoire (quitter l'événementiel pour se pencher sur la vie quotidienne, les correspondances, les archives immensément plus révélatrices) mais aussi sur les questions qui traversent la société moderne en formation au XIXe siècle : l'individualisme et la place de l'État, dans une démocratie naissante. Notes Page 420, éditions de la Pléiade Page 45, éditions folio histoire Page 66, ibid. Page 92, ibid. [...]
[...] En 1789, il est déjà la France même [11]. Cette capita hypertrophiée fait périr le corps du pays tout entier. Les provinces sont placées sous une dépendance directe ; pour obtenir considération, satisfaire son ambition, il faut monter à Paris : ainsi on attire tout ce qui a quelque talent dans cette capitale ! constate le marquis de Mirabeau en 1750[12].A mesure que le gouvernement central concentre les affaires administratives, les affaires industrielles s'installent dans la capitale ; Paris devenant de plus en plus le modèle et l'arbitre du goût, le centre unique de la puissance et des arts, le principal foyer de l'activité nationale, la vie industrielle de la nation s'y retire et s'y concentre davantage. [...]
[...] Certains grands seigneurs gardent néanmoins le droit d'avoir des juges qui décident certains procès en leur nom et d'émettre des règlements de police dans la limite de la seigneurie. Mais le pouvoir royal a graduellement écourté, limité, subordonné la justice seigneuriale et la justice est devenue plus un revenu qu'un pouvoir pour le seigneur. La féodalité reste certes à la veille de la Révolution une institution civile considérable mais elle a cessé d'être une institution politique, ce qui achève de la rendre odieuse aux yeux des paysans français. Sur ses ruines, se met donc en place une centralisation administrative puissante. [...]
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