Le visage

Résumé du document

« Si je devais résumer le XXème siècle, je dirais qu'il a suscité les plus grandes espérances qu'ait jamais conçue l'humanité et détruit toute les illusions et tout les idéaux. » (Yehudi Menuhin.) Le XXème siècle fut en effet marqué par une remise en question de la notion d'humanité que cela soit par les arts, la philosophie où dans le domaine politique. Or, ce questionnement a souvent pris appui sur une réflexion concernant le visage.
Par son étymologie latine vis, visus, le visage est ce que l'on montre, ce que l'on présente à la vue d'autrui. Mais il est également le symbole de ce qui fonde notre appartenance à l'humanité. En effet, comme le faisait remarquer Aristote « On ne dit pas le visage d'un bœuf ou d'un poisson. ». Dès lors il s'agit de s'interroger sur cette notion afin de comprendre en quoi il a pu fasciner les générations précédentes mais également pour comprendre en quoi il représente un enjeu dans l'appréhension de notre monde.
Ainsi, que nous révèle le visage ?Nous verrons dans un premier temps que le visage reste la source de l'identité de chaque individu mais également, dans un second temps, que la définition que donne chaque siècle au visage reflète sa conception de l'humanité.

Extraits

[...] Redonner visage humain au phénomène de mondialisation (J. Bagwhati), promouvoir une entreprise à visage humain ou encore, dans un autre registre, redonner visage humain par les premières greffes réussies, exploit médical de ce début de siècle. Le visage reste un sujet de questionnement où, même dans la clarté, le secret demeure. Bibliographie COURTINE-DENAMY Sylvie Le Visage en Question Edition la Différence, Paris CHALIER Catherine Le Visage Edition Autrement, série Mutations, Paris LEVI Primo Si c'est un homme Edition Pocket, Paris 1988. [...]

[...] En effet, si à l'origine toute forme de représentation du vivant fut bannie des lieux de cultes juifs, musulmans et ultérieurement protestants de peur de créer une confusion entre œuvres humaines et œuvres divines, cette interdiction va peu à peu se limiter au seul visage humain. Ainsi, le Talmud indique tous les visages sont permis sauf le visage humain Cette interdiction initiale de la représentation du vivant se comprend par la condamnation de l'idolâtrie et de la volonté démiurgique de l'homme. L'homme tenterait dès lors d'imiter le Créateur, de fabriquer du vivant. Il se mesurerait à Dieu et lui ferait donc offense en prétendant avoir la maîtrise du vivant. [...]

[...] Cette perte du visage déshumanise alors l'individu et modifie le regard porté sur lui. Primo Levi décrivit ainsi ce sentiment dans son témoignage Si c'est un homme Il raconte sa rencontre avec le Dr Pannwitz, chef du laboratoire de chimie au sein d'un camp de concentration : Son regard ne fut pas celui d'un homme à un autre homme ; et si je pouvais expliquer au fond la nature de ce regard, échangé comme à travers la vitre d'un aquarium entre deux êtres appartenant à deux mondes différents, j'aurais expliqué l'essence de la grande folie du IIIème Reich. [...]

[...] Le visage se modifie, évolue, vieillit. Notre reflet change provoquant une angoisse de la mort, du fait de vieillir. Le portrait de Dorian Gray roman d'Oscar Wilde, exploite cette angoisse de la décadence physique que le héros souhaite faire porter à son portrait afin de s'en affranchir. Dorian Gray prend ainsi conscience, au début du roman que Un jour viendrait où son visage serait ridé et parcheminé, où ses yeux auraient perdu leur éclat et leurs couleurs, où toute grâce, toute forme auraient abandonnée son visage [ ] la vie, en façonnant son âme, abîmerait son corps. [...]

[...] Il va exposer son visage à l'ensemble de ses pairs et mettre ainsi en évidence sa singularité. Loin d'effacer l'homme, la participation à l'action politique expose, met en lumière les visages. Dès lors, le risque d'anonymat n'existe que si l'homme se dessaisit du politique. Son visage reste alors dans l'ombre et les institutions deviennent sans visages. Ainsi, si le siècle qui s'est terminé fut porteur de l'angoisse de la perte du visage, celui dans lequel nous nous engageons souhaite redonner visage humain au monde, une image rassurante et bienfaitrice. [...]