Près d'une dizaine d'année après ce texte du socialiste et républicain Louis Blanc éclate, en février 1848, une nouvelle révolution en France. Celle-ci permet la proclamation le 24 février 1848 de la seconde République française, qui marque la fin de la monarchie de Louis Philippe 1er, au pouvoir de 1830.
[...] Elle passe non seulement par le suffrage universel, mais aussi par d'autres mécanismes de contrôle des élus. On comprend ainsi pourquoi le philosophe allemand s'attarde aussi longuement dans le chapitre 4 sur la loi du 31 mai 1850 qui, en limitant le suffrage universel masculin, y met fin. C'est que ces réformes électorales, que Marx considère comme « scandaleuses » (Chapitre 5 notamment), ont des conséquences très directes sur la représentation des intérêts des prolétaires au profit de la classe dominante, et ce dans un sens très grave. [...]
[...] On trouve ainsi, tout au long du 18 brumaire, des analyses fines de l'opposition entre classes, et entre fractions de classes, qui guident les conflits politiques des « années 1848 ». Du républicains radicaux, dits « sociaux » au « parti de l'ordre », des monarchistes aux bonapartistes, les intérêts sociaux à l'œuvre dans la représentation politique des années « post février 1848 » sont nombreuses. Marx va même dans le chapitre 3 jusqu'à distinguer, au sein du parti de l'ordre, plusieurs fractions aux appuis sociaux distincts : « Les légitimistes et les orléanistes formaient les deux grandes fractions du parti de l'ordre. [...]
[...] Ce faisant, il s'inscrit dans une tradition révolutionnaire à laquelle appartient un penseur comme Babeuf qui, dans son texte « Démocratie politique et démocratie sociale », fustige cette « déclaration des Droits » qui « sera à jamais le cri de ralliement contre les oppresseurs et la loi des législateurs eux-mêmes ». Mais d'où vient cette critique de la loi et, avec elle, du droit ? Justement d'un système de représentation des intérêts du peuple défaillant. Déjà, durant la Révolution Française, Robespierre, tout comme Babeuf, avait dénoncé la loi sur le « marc d'argent » qui instaurait un premier régime censitaire et distinguait les citoyens actifs (payant un impôt, et donc électeur, voir potentiellement éligible) et les citoyens passifs, privés du droit de vote. [...]
[...] Babeuf, tout comme Robespierre et plus tard Marx, ont sur ce point bien retenu la leçon rousseauiste et, plus globalement, celle de la théorie républicaine : c'est la participation de tous aux lois (tout le monde est membre du souverain) et leur égale application (tous sujets) qui fait que les lois sont bonnes, et que le sentiment d'obéissance politique est authentique. Mais cette forme de liberté n'est plus d'actualité au XIXe siècle pour des raisons pratiques. C'est la thèse de Benjamin Constant qui, en 1819, affirme que seule la liberté individuelle, moderne, est applicable dans les sociétés du XIXe siècle. La liberté des Anciens comme « participation aux lois » ne l'est plus. Cela ne signifie pas un désintérêt total de la politique, mais tout de même l'acceptation du principe du gouvernement représentatif. [...]
[...] La république peut-elle servir au prolétariat et, si oui, sous quelles conditions. Sans développer plus en profondeur ici une théorie de la représentation politique, la théorie de la lutte des classes de Marx permet d'affirmer que cette question est peut-être la plus décisive de toutes. C'est que sous couvet de liberté formelle, elle n'est que poudre aux yeux si, sous couvert de liberté et de représentation nationale, elle ne sert que les intérêts des dominants. La loi n'est alors pas libératrice, mais elle désigne comme chez lui Blanc, « des hommes esclaves de la faim, esclaves du froid, esclaves de l'ignorance, esclaves du hasard ». [...]
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