Ceci est un dossier incluant un résumé suivi d'une discussion, afin de répondre à la question suivante : Comment le chapitre 1 du livre « Matière sociale. Esquisse d'un ontologie pour les sciences sociales » de Michel Grossetti permet-il de répondre à la question : « Faut-il croire les sociologues ? ».
Le livre du sociologue et directeur de recherche au CNRS Michel Grossetti, intitulé Matière sociale. Esquisse d'une ontologie pour les sciences sociales, paru sur le site d'archives ouvertes interdisciplinaires HAL, propose une ontologie à partir de ce qui constitue selon lui un fond commun issu d'une « réflexion sur les catégories de désignation et d'analyse des phénomènes sociaux », ainsi qu'il le précise dès l'aube de son introduction. Il porte un regard global sur la sociologie, ses théories, ses méthodes d'investigations, ou encore son vocabulaire entre autres, et y voit finalement plus de matière commune que les contradictions entre sociologues, oppositions rhétoriques, ou écoles de pensées divergentes, ne pourraient le laisser penser de prime abord. Cette ontologie est présentée comme robuste, en ce qu'elle aspire à résister à toute « variation de contexte », et à s'insérer dans un espace commun des sciences sociales.
L'auteur propose une conception personnelle de ce qu'il perçoit comme une objectivation des sciences sociales, désir d'objectivité des phénomènes sociaux par ailleurs source de nombreux débats épistémologiques chez les sociologues. La subjectivité inhérente à la définition même de la sociologie, à savoir des humains étudiant l'activité humaine, et également émanant de la proximité du chercheur avec son objet, doit-elle ou non être inclue dans une analyse sociologique, peu importe le profond souci d'objectivité du chercheur ? Toute activité humaine n'inclut-elle pas une part de subjectivité ? Les débats entre différentes théories, méthodes, entre théoristes et terranistes, induisent la question d'une parfaite grille d'analyse, de sa nécessité, entre autres, et par conséquent de la valeur et de la légitimité que chaque chercheur accorde à un sociologue dont les méthodes diffèrent. Et c'est précisément en raison de ce désaccord quant à ce que devrait être la recherche en sociologie, l'enquête et la théorie, mais aussi en raison de cette subjectivité humaine qui entoure les sciences sociales, que ces dernières, plus fluctuantes que ne le sont les disciplines purement scientifiques, ne sont jamais parvenues à créer des modèles prédictibles, même basés sur des constats, analyses et statistiques historiques, mathématiquement codés.
La question de l'engagement des chercheurs est également posée, les motivations de leurs recherches relevant tantôt d'une logique d'« ingénierie sociale » éclairant des décisions des pouvoirs publics, tantôt d'une logique critique qui fournit aux citoyens des moyens de défenses, ou encore analytique, qui « relève d'un repli sur une sphère scientifique conçue comme relativement autonome et ayant ses logiques propres », sur laquelle se base le travail de l'auteur, tout particulièrement.
C'est ainsi dans un processus d'émergence qui valorise la dimension dynamique des entités sociales et ses processus, permettant de mieux comprendre le fonctionnement des parties d'un « tout » social, sans qu'il soit possible d'en analyser l'intégralité, que Michel Grossetti propose une ontologie robuste des sciences sociales, soit des bases « possibles », des catégories qui permettraient de décrire le monde social, ontologie qui si elle ne recherche pas l'exhaustivité, se veut simple lexicalement, mais aussi synthétique. « Mon engagement dominant est donc orienté vers une recherche de vérité, que je conçois comme un horizon normatif et non comme le produit assuré d'une méthodologie », précise-t-il dans son introduction.
[...] De plus, les sciences sociales étudient la personne biologique, donc vivante, et de sens, c'est-à-dire dans un processus d'interaction sociale. L'auteur précise que « lorsqu'un humain meurt, sa personne disparaît, mais pas son personnage social, constitué de toutes les traces et les significations qui lui sont associées », c'est pourquoi un « fantôme social » peut continuer à « vivre » après la mort biologique d'une personne, que l'on considérera et analysera dès lors dans le contexte historique de sa vie passée. [...]
[...] Mais ensuite s'impose alors la question suivante : « dans quelle mesure [une ressource cognitive] est-elle plus que la somme de ses composants et des entités qui lui sont liées d'une façon ou d'une autre ? ». L'équilibre entre encastrements et découplages intervient ici pour esquisser une réponse. Enfin, après un récapitulatif de ce premier chapitre, l'auteur revient sur la notion d'entité « élémentaire », à savoir les micro-entités parfois multiformes, qui servent ici à caractériser l'ontologie robuste des sciences sociales qu'il propose. [...]
[...] L'auteur redéfinit nombre de termes, auxquels, sans doute, ses confrères experts pourront soulever des questions d'interprétation, et ce malgré la distance volontaire que prend l'auteur vis-à-vis de la moindre accusation d'absolu ou d'exhaustivité sur son ontologie : « Il m'arrive d'utiliser les termes de « croyance » ou de « mythe » pour désigner des théories devenues des allant de soi, des routines, et qui ne sont donc plus soumises à des discussions systématiques. L'usage de ces termes vise alors à souligner que je ne les tiens pas pour acquises et que je souhaite les mettre en débat ». [...]
[...] Finalement, cette ontologie sera-t-elle largement utilisée et permettra-t-elle de simplifier la méthodologie d'analyse des sciences sociales, ou au contraire sera-t-elle le point de départ de nouveaux débats ? Bibliographie * GROSSETTI, Michel, Matière sociale - Introduction : à la recherche d'une ontologie robuste, HAL Archives Ouvertes en ligne, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02523130v3 * GROSSETTI, Michel, Matière sociale. Esquisse d'une ontologie robuste pour les sciences sociales, Chapitre Entités, HAL Archives Ouvertes en ligne, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02523130v3 * William Sewell Jr Logics of history. Social theory and social transformation, Chicago, Chicago University Press, (traduction de Michel Grossetti). [...]
[...] L'auteur a donc choisi de qualifier « ingrédients » de l'action, les ressources cognitives qui reviennent avec une certaine systémique dans ses analyses et ses observations. Parmi ces ingrédients, dont certains avaient déjà été avancés par Weber ou Raymond Boudon sous d'autres appellations, il distingue sept catégories non exhaustives et combinables, qu'il estime discursivement objectivables, mais seulement hypothétiques quant à leurs aspects mentaux : projets, valeurs, affects, routines, théories interprétatives, intrigues (récits ou histoires) et enfin rôle. Puis il aborde les notions de règles, implicites et explicites, et de goût, qui peuvent toutes deux intégrer nombre d'ingrédients cités ci-dessus, et qui posent la question de la cohérence des ressources cognitives. [...]
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