La question « qu'est-ce qu'un châtiment » suppose une définition, la détermination de l'essence du châtiment, indissociable de la fin que vise celui qui châtie. Elle comporte la difficulté propre à une recherche eidétique : comment produire une définition qui englobe tout, mais seulement ce qui mérite d'y être inclut, c'est à dire une définition exhaustive? Que faut-il faire rentrer sous le concept de « châtiment » ?
Du latin castigare pour « corriger, réprimander sévèrement », dérivé de castus pour « chaste » au sens de « conforme aux règles », le châtiment est couramment défini comme une punition d'un crime selon la justice, humaine ou divine, une punition étant ce que l'on fait subir à l'auteur d'une faute, et donc une conséquence pénible d'une action fautive. Il est également possible d'établir un parallèle entre punition et châtiment du fait de leur diversité de mise en application respective: corporelle, disciplinaire, ou même pécuniaire.
Quelles sont alors les situations de punition qui méritent d'être appelées châtiment ? Se demander ce qu'est un châtiment revient à se demander indirectement ce qu'il ne peut être. Peut-on en effet exclure certaines formes de punition du châtiment ? A l'inverse, le châtiment peut-il être autre chose qu'une forme de punition ? En d'autres termes, peut-on assimiler et superposer à l'identique les domaines de définition caractéristiques des notions de punition et de châtiment ? Mais avons-nous seulement suffisamment d'éléments pour différencier la notion de châtiment de celle de punition ?
Ce qui conduit à se demander successivement ce que n'est pas un châtiment, avant de pouvoir examiner ce qu'il peut au contraire être. Alors seulement, on pourra déterminer la proximité sémantique des notions châtiment et punition, et les limites auxquelles cette analyse se confronte.
[...] Tout châtiment est en effet une manière de remboursement. Celui qui s'est rendu coupable d'un mal est en situation de devoir rendre ce qu'il a pris. Aucune société humaine n'a en effet jugé possible l'absence de compensation pour un mal subi. Certes, le remboursement peut être indirect ou différé, mais il est inévitable. Chez les grecs, par exemple, celui ayant commis la faute et restant impuni est mené soit à acquitter personnellement dans une vie ultérieure, soit à être châtié dans sa descendance. [...]
[...] Après être tombé malade et être resté au lit, cloué par la fièvre, pendant plusieurs jours, Raskolnikov est atteint de paranoïa et commence à s'imaginer que tous ceux qu'il rencontre le suspectent du meurtre ; la connaissance de son crime le rend presque fou. Mais il rencontre Sonia Semionovna, une prostituée, dont il tombe amoureux. Dostoïevski utilise cette relation comme une allégorie de l'amour de Dieu pour l'humanité déchue, et du pouvoir de rédemption de l'amour. Mais Raskolnikov n'est racheté que par l'aveu du meurtre et la déportation en Sibérie. [...]
[...] De plus, le châtiment paraît ne pas pouvoir non plus être une vengeance privée. Dans le Léviathan (1651), Hobbes se trouve immédiatement confronté à un problème : la punition politique, en tant qu'elle est du domaine de l'institution collective, doit contrairement à la punition privée, être légitime. C'est ainsi que se dévoilerait l'origine du droit de punir : elle tiendrait à la loi de nature. Le rappel que donne la dernière phrase est clair : punir n'est pas le fait d'un "nous" qui corrigerait un de ses membres (punir au sens d'éduquer), mais bien le fait d'un en guerre contre le coupable qui n'est d'ailleurs plus alors qu'un ennemi. [...]
[...] Un châtiment peut être corporel. Les Babyloniens utilisaient par exemple le châtiment corporel pour imposer l'autorité des lois. Ce sont en effet les premiers à avoir voulu faire reconnaître le droit des femmes et des esclaves de façon à punir les abus, et à les condamner. Châtier un corps, une chair, peut aussi consister à lui imposer des privations, des souffrances dans un but pratique ou par ascétisme. Dans Les Nourritures terrestres, A.Gide écrit : Je châtiais allégrement ma chair, éprouvant plus de volupté dans le châtiment que dans la faute ( ) Le châtiment renvoie alors à cette idée d'épuration, de correction formelle, ou même de dépouillement de l'excès. [...]
[...] Ayant auparavant esquissé un disque incluant le cercle de définition de châtiment sans le briser en aucun point, il s'agit à présent de s'en représenter un second inclut lui-même dans ce cercle, de façon à figer certaines évidences sur ce que peut être un châtiment. Ainsi, seul le plus fin anneau possible incluant le cercle de définition, devra permettre, au final, de discuter de manière concise à propos de la nature même du châtiment, et de déterminer ainsi la superposition éventuelle de son cercle de définition avec celui de la punition. Le châtiment permet d'abord de produire de l'autorité. Par la crainte qu'il suscite, le châtiment peut consolider l'autorité des lois. [...]
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