Plaisir, souffrance, pervers, jouissance, auto-érotisme, aliénation maternelle, mécanismes de punition, Lacan, Fabrice Hadjadj
On voit à quel point le psychisme est marqué par des ambivalences : « toute intention psychologique provoque dans son surgissement l'éveil de la tendance contraire » (Mounier, Traité du caractère). Comme on peut souvent l'observer, les traits de caractère affichés sont le masque d'une attitude déniée, la brutalité cache une tendresse rebutée, etc. Le plaisir ne semble pas devoir l'emporter naturellement sur la souffrance. Le privilège accordé au plaisir ne doit pas méconnaître la fascination nécessairement exercée par la douleur, qui est « de tous les états de conscience celui qui peut devenir le plus intense et le plus aigu » (Lavelle, Le mal et la souffrance).
[...] ] Ce soir, dans la machine de Dédale, comme si j'étais couchée au fond d'un torrent furieux, je sentirai passer sur moi toute la création, en un fleuve de force et de sang. » Mais Fabrice Hadjadj, qui cite ce passage, le rapproche aussitôt des phrases où Thérèse de Lisieux exprime ses « désirs d'être tout » et d'« embrasser toutes les vocations », de sorte que « la petite Thérèse s'ouvre plus large que la grande Pasiphaé. Elle ne voudrait pas s'unir à un seul taureau, mais au Créateur de tous les taureaux ensemble, et même des pierres, des fleurs, des grenouilles et des anges » (La profondeur des sexes). [...]
[...] Mais l'enfant « rejette à chaque instant cet excès qui l'étouffe », quitte à « l'accepter à nouveau avidement », emporté dès lors dans le mouvement circulaire du passif à l'actif, cher chant à dévorer pour éviter d'être dévoré, il s'emploie à l'auto-érotisme, « l'enfant se fait jouir luimême : il se sauve en se prenant lui-même à son tour comme un objet » ; « le moment actif libère l'enfant de sa position d'Etre le phallus, et c'est à ce moment qu'il peut l'Avoir » (Pommier, Que veut dire «faire l'amour » « Ayant rompu le cercle de l'aliénation maternelle, ce sujet du sexuel trébuche aussitôt sur la culpabilité. Il rencontre l'angoisse, celle de la castration de sa mère : il la découvre puisqu'il la quitte. ». Plus généralement, c'est tout le processus de culture qui implique la répression des pulsions. Dans la représentation freudienne, l'instance psychique qui soutient cette fonction est opposé au ça et au moi - le surmoi. [...]
[...] Alors on peut dire que « la volupté unique et suprême de l'amour gît dans la certitude de faire le mal » (Baudelaire, Fusées, III). « La plus haute jouissance est de faire jouir l'autre, comme on le fait souffrir, car alors on le tient sous son pouvoir, on a trouvé le déclic qui commande son électrochoc, on sait comment se débarrasser de son visage. » (Hadjadj, La profondeur des sexes) Plus encore, ce n'est pas seulement de la fascination pour la violence que le sujet doit se défendre, mais de l'ambivalence du plaisir. [...]
[...] Rien ne le montre mieux que le passage à l'amour. L'amour ne provient pas de l'appréhension d'un idéal, il suit le destin de la pulsion, qui revendique de s'emparer de son objet, quel qu'il soit. Il conserve de la pulsion quelque chose de sauvage. Mais la rencontre amoureuse prolonge de façon paradoxale le mouvement de la pulsion d'emprise : l'être aimé fait obstacle à la pulsion, il « résiste indéfiniment à la prise », de sorte que « l'amour le plus simple porte en lui jusqu'à l'idée du meurtre » de l'autre. [...]
[...] Le surmoi fait valoir ses exigences même dans les rêves et dans l'imaginaire. Il surgit à l'encontre du principe de plaisir, et installe dans le psychisme des mécanismes de punition, même contre les crimes commis en pensée plus qu'en acte. Le surmoi fonctionne comme une instance légale qui sanctionne les transgressions, et pour cela insinue la torture jusqu'au plus intime, commande d'être inquiet, exige des satisfactions qui ne sont vraiment semblables ni au besoin naturel, ni à la demande adressée à autrui. [...]
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