Le principal problème que poserait, en outre, l'opposition de la matière et de l'esprit serait celui de l'unité du corps humain et de sa pensée. Comme nous l'avons déjà évoqué, l'expérience intime de cette unité est faite à chaque instant par chacun. Dans l'hypothèse où nous aurions en nous deux natures opposées, nous en serions amenés à mener deux vies distinctes : d'une part, il nous faudrait gérer notre corps en tant qu'il est une matière, ayant des besoins et devant également se protéger, et d'autre part, la vie de l'esprit qu'est notre pensée nous occuperait en permanence dans une sorte de deuxième être (...)
[...] Puisque tout ce qui appartient au corps et donc à la matière (le sang, les os ) ne relève que de l'étendue et que tout ce qui appartient à notre esprit (les idées, les sentiments ) ne relève que de la pensée, sans jamais que les deux ne se mélangent, alors nous ne pouvons qu'admettre que l'esprit et la matière sont de natures différentes et opposées. Par ailleurs, considérer la matière et l'esprit autrement qu'opposés nous amènerait à de nombreux problèmes théoriques mais aussi affectifs. [...]
[...] Aussi ne s'agit-il pas tant de réduire l'esprit humain à la matière que de montrer l'inextricabilité du rapport existant entre eux. La science est presque parvenue à montrer que l'esprit est le résultat d'une adaptation très poussée de l'homme à son environnement. En ce sens, il serait absurde et prétentieux d'imaginer que l'esprit serait apparu par un processus mystérieux et inexplicable, venant compléter la matière de sa nature opposée. Le principal problème que poserait, en outre, l'opposition de la matière et de l'esprit serait celui de l'unité du corps humain et de sa pensée. [...]
[...] L'homme est incontestablement un creuset où se mêlent la matière et l'esprit. Pourtant, nombreux sont les arguments en faveur de la transcendance de l'esprit sur la matière, et par-là même d'une opposition de ces deux derniers puisque l'esprit semble être rigoureusement extérieur au monde sensible. Nous pouvons commencer par reprendre l'exemple des sciences cognitives. Bien que celles-ci s'approchent de plus en plus d'un modèle physiologique de la pensée, certaines modalités de l'esprit humain semblent demeurer insaisissables. Premièrement, l'émergence de la personnalité échappe totalement aux investigations des scientifiques. [...]
[...] Pour autant, elle laisse de nombreuses questions sans réponses concernant notre pensée et désenchante parfois dangereusement le réel. Ainsi, les deux semblent détenir une part de vérité et ne disqualifient pas la thèse adverse. Est-il seulement possible d'accéder à un savoir dans ce domaine ? Le problème est que la connaissance ne peut porter que sur des objets qu'un sujet peut se représenter. Or, il n'y a pas plus éloigné de cette condition que l'esprit. Ce dernier nous permet de penser et de réfléchir, il ne peut donc pas être un objet de connaissance. [...]
[...] Les enjeux éthiques mais aussi affectifs de cette question sont tels qu'il faut avant tout penser aux conséquences qu'aurait le fait de détenir la vérité dans ce domaine. Il faut donc s'en tenir à notre expérience d'être humain, et abandonner la tentative de statuer sur notre nature qui est bien trop subjective pour pouvoir aboutir. En effet, comme le remarque Nietzche dans la Généalogie de la morale : Nous ne nous sommes jamais cherchés comment donc se pourrait-il que nous nous découvrions ? [...]
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