Notre esprit, lorsqu'il évoque « la » vérité, la conçoit volontiers comme universelle et absolue : la posséder nous satisferait pleinement si elle se confirmait comme sans modification possible, c'est-à-dire comme « éternelle ». Contredisant cet espoir, il existe une histoire du savoir ou de la connaissance, et cela suffit pour suggérer que « les vérités » changent. Mais ne peut-on, malgré tout, repérer des exemples de vérités définitives ? (...)
[...] Et c'est bien pour les mêmes raisons que Malebranche peut à son tour faire valoir que l'égalité de sept plus cinq à douze est éternelle. De telles vérités formelles, si elles ne sont peut-être pas éternelles (sauf à admettre comme Malebranche qu'elles ont été créées par Dieu) sont pour le moins définitives à partir de leur première formulation. À ceci près toutefois qu'aujourd'hui, on souligne leur relation avec une axiomatique, et que l'on évoque plutôt leur cohérence ou leur véracité que leur vérité. [...]
[...] Ainsi, le Dieu chrétien est éternellement vrai, parce qu'il est l'être lui- même antérieur (même si l'adjectif n'a guère de sens relativement à l'éternité de sa présence) même à sa création, et donc à la conscience que les hommes peuvent en prendre. Dans ce contexte, qui est celui de la croyance, il devra donc être admis que la proposition Dieu est éternel est elle-même éternellement vraie. Ici se manifeste déjà une séparation entre la réalité, même suprême, et la vérité, qui concerne les énoncés formulables relativement à cette réalité. [...]
[...] À plus forte raison celle d'obtenir des vérités définitives dans ce domaine ! C'est que ses partisans sont attentifs au fait que l'esprit ne peut travailler que sur des apparences, et que sa version des phénomènes perçus peut donc toujours être contestée au nom d'une vérité plus profonde même impossible à atteindre. Ce à quoi Descartes a répliqué par le cogito, première vérité absolument certaine et définitive dans la mesure où le constat d'une coexistence entre une pensée en cours et une substance pensante rend impossible toute critique ou tout soupçon d'erreur possible. [...]
[...] Y a-t-il des vérités définitives ? Introduction Notre esprit, lorsqu'il évoque la vérité, la conçoit volontiers comme universelle et absolue : la posséder nous satisferait pleinement si elle se confirmait comme sans modification possible, c'est-à-dire comme éternelle Contredisant cet espoir, il existe une histoire du savoir ou de la connaissance, et cela suffit pour suggérer que les vérités changent. Mais ne peut-on, malgré tout, repérer des exemples de vérités définitives ? I. Le désir de vérités définitives Aussi longtemps que la vérité a été conçue en termes métaphysiques, on pouvait admettre, parce qu'on la confondait avec la réalité, qu'elle était en effet éternelle. [...]
[...] Historicité des vérités Il est donc nécessaire de préciser la relation entre vérité et historicité. Ici, les analyses de Bachelard sont utiles pour montrer que la connaissance scientifique modifie les concepts, les lois et les théories de la vérité en passant du rationalisme classique au rationalisme complexe puis au rationalisme dialectique On peut reprendre l'exemple qu'il fournit de l'évolution concernant le concept de masse en mécanique (cf. La Philosophie du non), pour souligner que la science n'élabore pas des vérités absolues, ou absolument définitives, mais bien des ventés qui n'ont de compétence qu'à l'intérieur d'un système historique de données ainsi les lois de Newton n'ont pas perdu toute validité, mais ce qui a disparu c'est l'universalité du système newtonien, qui ne demeure vrai que relativement à l'espace de notre perception quotidienne (tout comme la géométrie euclidienne) On rappelle ensuite que, d'un point de vue purement philosophique, la conception de la verité élaborée par Hegel tient compte de sa manifestation progressive tout concept se déploie peu à peu, en s'enrichissant par des significations successives, et ce n'est que lorsqu'il a parcouru toute son histoire qu'il est enfin à considérer comme complet ou définitif Ce qui apparaît cependant contestable dans un tel modèle, c'est le principe d'une fin possible de cette évolution (qui selon Hegel, s'accomplit dans son propre système) du point de vue scientifique, il est désormais considéré au contraire comme impossible d'envisager l'éventualité d'une telle fin (qui signifierait que la vérité construite épuise la réalité et peut enfin coïncider avec elle) Conclusion On a pu dire que le désir de vérité absolue ne témoigne que d'une attitude encore religieuse, au sens où l'absolu procurerait un univers rassurant et protecteur, semblable à celui dont, d'après Freud, rêve le croyant qui cherche à reconstituer l'ambiance de sécurité qu'il pouvait ressentir, encore enfant, grâce à la présence paternelle La venté, parce qu'elle correspond à un travail toujours en cours, ne peut proposer un tel univers La science elle-même est un processus en un sens paradoxal elle cherche des ventés définitives alors que sa démarche est une remise en cause permanente du caractère prétendument définitif de la vérité. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture