L'élevage et la génétique ont fait de certains êtres vivants, qui existaient jadis indépendamment de nous, des produits de notre industrie et de notre technologie. Les fruits que nous consommons, les animaux qui pâturent, notre corps que modifie notre alimentation ou les postures imposées par les machines, n'ont plus rien de naturels et sont, comme les objets techniques, produits par la civilisation. La science a déplacé la frontière séparant le naturel de l'artificiel.
Faut-il maintenir la différence qui existe entre les êtres vivants et les objets techniques ? Faut-il porter le même regard sur eux, ou en critiquer l'assimilation pour des raisons éthiques, plutôt que techniques ou biologiques ? L'homme a tout pouvoir sur les objets qu'il crée. Considérer le vivant comme l'un d'eux reviendrait à lui concéder tout pouvoir sur lui. Les hommes prendraient ainsi la place de leur créateur, mais les religions voient dans cette usurpation l'origine du péché et de nos souffrances. La question n'intéresse donc pas seulement la science, l'art et la technique.
Elle a aussi une signification morale et religieuse : avons-nous le droit de traiter les êtres vivants comme de simples objets ? N'avons-nous pas des devoirs envers eux ? Au nom de quoi limiter le biopouvoir ?
[...] Le vivant peut-il être considéré comme un objet technique ? Un être vivant n'est pas un objet technique : les parties du premier se forment les unes les autres, tandis que celles du second sont juxtaposées les unes aux autres. Les dons d'organes et les greffes montrent cependant qu'il est possible de remplacer la partie défectueuse d'un organisme comme la pièce d'une machine. Peut-on, dans ces conditions, considérer le vivant comme un objet technique ? Il s'agit de savoir si cette comparaison a un sens, en s'interrogeant sur le rapport que l'art et la technique entretiennent avec la nature, pour tracer la frontière séparant le naturel de l'artificiel. [...]
[...] Il semble donc que le vivant puisse être considéré comme un objet technique. Mais ce n'est qu'une analogie. Le principe de finalité établit un rapport entre les organismes et les mécanismes, en disant que les premiers sont, comme les seconds, ordonnés à une fin précise. Si un être vivant n'est évidemment pas une machine, leurs matériaux étant différents, le rapport de leurs parties n'en demeure pas moins identique : elles s'adaptent parfaitement les unes aux autres et au tout. Entre identité et différence, la relation qui unit les êtres vivants aux objets techniques est donc une identité de rapports, non de termes. [...]
[...] L'âme est selon lui dans le corps comme un pilote de son navire : il l'habite le temps d'une traversée et le commande. Mais ils sont de nature différente. L'âme est une substance pensante, inétendue, tandis que le corps est substance entendue, qui ne pense pas. Le dualisme de l'âme et du corps nous autorise ainsi à considérer le vivant comme un objet technique, tout en interdisant de réduire l'homme à une machine, car il est composé de deux substances, non d'une. [...]
[...] La nature semble avoir un but comme les hommes et c'est ce qui fait dire à Kant que le vivant peut être considéré comme un objet technique, en un sens précis. Il distingue en effet deux types de principes. Les principes transcendantaux ont une valeur objective et sont constitutifs de la nature même des choses. Les principes régulateurs n'ont qu'une valeur subjective et servent à conduire les recherches. On ne peut selon lui considérer le principe de finalité comme un principe transcendantal, car ce serait attribuer à la nature des intentions et s'en faire une représentation anthropomorphique, ou admettre tacitement l'existence d'un Dieu créateur, ce qui relève de la croyance, non de la science. [...]
[...] Elle les rend nécessaires. On ne s'étonne pas que les différentes parties d'une machine s'adaptent les unes aux autres et qu'elles fonctionnent bien, parce que l'on sait qu'elles ont été conçues à cette fin. De même, la parfaite adaptation des parties du corps entre elles, et de celui-ci à son milieu, s'explique difficilement si on l'attribue au hasard, mais facilement si on la rapporte à une fin. Ce n'est pas par hasard que les rouages d'une montre sont faits, mais pour produire et communiquer le mouvement ; de même ce n'est pas par hasard qu'un arbre a des feuilles, mais pour transformer la lumière en énergie. [...]
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