Demander si une connaissance scientifique du vivant est possible peut sembler étrange, dans la mesure où une telle connaissance existe effectivement : il s'agit de la biologie. Dans son étymologie même, la biologie indique bien la spécificité de l'objet dont elle est science (logos) : la vie (bios) et ce qui possède vie. Elle étudie ainsi les êtres vivants, leurs propriétés et les processus qui les caractérisent. On peut néanmoins se demander si la biologie fournit effectivement une connaissance scientifique du vivant. En effet, elle s'attache à décrire les processus physiques ou chimiques qui s'effectuent chez les êtres vivants ; elle rattache ces processus à des lois générales de la nature ; mais son objet est-il le vivant lui-même ? (...)
[...] Par extension, la connaissance du vivant n'est pas close et reste partielle, inachevée. Peut-être cet inachèvement, comme nous l'avons vu, est-il constitutif de la notion de vie : celle-ci suppose en effet une puissance de créer, de produire du nouveau, qui ne peut se laisser enfermer par aucune caractérisation définitive. [...]
[...] Autant dire que l'essence de la vie, c'est le changement ou la nouveauté. Mais cette définition récuse par avance toute connaissance scientifique du vivant : en effet, la science ne peut expliquer que les phénomènes qui se répètent et paraissent soumis à des lois constantes ; sans cela, elle ne peut élaborer de modèle théorique général. Or, si le vivant est par définition nouveau, imprévisible, il ne peut s'expliquer par aucune loi. Il est par essence inaccessible à la connaissance scientifique. [...]
[...] Comment se définit donc le projet d'une connaissance scientifique du vivant, et qu'est-ce qui la rend possible ? Un tel projet a été établi, bien avant la naissance de la biologie moderne, par Descartes dans le Discours de la méthode. Il s'agit, nous dit-il dans la cinquième partie de cet ouvrage, de considérer les êtres vivants comme des machines obéissant aux lois de la mécanique. À partir de ce principe, il est possible d'expliquer les phénomènes observés chez les êtres vivants en les rattachant à des lois générales de la nature (ainsi la circulation du sang dans le Discours de la méthode). [...]
[...] Ou bien elle l'ignore, dans la mesure où elle se passe très bien de la notion de vie pour expliquer les phénomènes qu'elle observe. Ainsi, comme l'affirme François Jacob dans son ouvrage La Logique du vivant, Aujourd'hui, on n'interroge plus la vie dans les laboratoires B. Les deux sens du mot vivant La biologie prétend connaître le vivant, mais en réalité elle l'ignore et n'a affaire qu'à l'inerte. Un problème se pose alors : si la prétendue connaissance scientifique du vivant n'est qu'une connaissance de l'inerte, le vivant est-il par nature inconnaissable ? [...]
[...] A-t-on raison d'espérer une connaissance du vivant totale, achevée ? 2. Le vivant échappe par nature à la connaissance scientifique A. Connaître le vivant, c'est le réduire à l'inerte Le projet d'une connaissance scientifique du vivant est défini comme suit : expliquer les processus observés chez les êtres vivants par des lois constantes de la nature (chimiques ou physiques). Or, les conséquences d'un tel projet sont hautement paradoxales. En effet, lorsque Descartes considère les animaux et le corps humain comme des machines, il ne distingue plus les êtres vivants des machines inertes ; il assimile ainsi le vivant à l'inerte et ôte toute spécificité au vivant. [...]
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