Cette association entre le visage et la justice peut de prime abord paraître étrange : qu'est-ce que le visage peut bien avoir à faire avec la justice ? En effet, le visage est la figure caractéristique d'une personne alors que la justice est le principe qui exige le respect du droit et de l'équité. En réalité, l'approfondissement de la réflexion montre qu'il existe effectivement un rapport entre les deux notions. D'une part, on peut parler d'un visage de la justice au sens figuré, et d'autre part, la justice est confrontée à une multitude de visages au sens propre. La justice se présente d'emblée à nous sous couvert d'un visage, car il semble très difficile de connaître son essence même. La justice en soi est un concept insaisissable. Elle se pare donc d'un visage pour venir à notre encontre. Cependant, son visage se fait rare, car c'est plutôt le visage de l'injustice qui se montre à nous. En effet, d'expérience on sait que l'homme doit plus souvent faire face à l'injustice qu'à la justice. En outre, le visage de la justice se révèle à la fois universel et multiple. En même temps, la justice est confrontée à divers visages humains qui reflètent autant de rôles différents. D'un côté, le visage peut être l'expression de la justice intérieure en tant que vertu, telle est la figure du juste. D'un autre côté, la justice comme institution est assaillie de toutes parts par nombre de visages, tels celui du juge ou celui de l'accusé.
[...] D'autres personnages sont indispensables au bon déroulement de la justice, ce sont les avocats. Le visage de l'avocat doit pouvoir changer tel un caméléon: tantôt compréhensif compatissant ou rassurant envers son client, tantôt sérieux dans l'élaboration de la stratégie offensive ou défensive, tantôt déstabilisant à l' égard des témoins. Le rôle de l'avocat n'est pas aisé, car il doit toujours avoir un visage de circonstance. Le fait de jouer sur l'expression de son visage concerne plus particulièrement l'avocat de la défense, car le visage de l'avocat général reste toujours plus ou moins accusateur. [...]
[...] De la même manière, la justice à visage humain s'oppose à la justice à visage divin. La justice divine ou naturelle est universelle, elle s'applique partout avec la même force et nul ne peut échapper à sa loi. A l'inverse, la justice humaine est contingente, elle varie selon les époques et les pays du fait du caractère relatif des lois : cette mer flottante des opinions d'un peuple, ou d'un prince, qui me peindront la justice d'autant de couleurs, et la reformeront en autant de visages qu'il y aura en eux de passions (Montaigne, Essais, livre II, chapitre XII). [...]
[...] Le philosophe Levinas montre que le visage est constitutif dans notre rapport à autrui, car il révèle l'existence éthique, la transcendance et l'idée d'infini. En effet, le visage est le signe de l'altérité et celui- ci me contraint bien plus anciennement que toute force et tout droit. Mais en même temps, le visage est ce qu'il y a de plus vulnérable. C'est cette expérience de la façon poignante dont le visage de l'autre s'offre à nous dans la rencontre d'autrui, que fait la justice. [...]
[...] D'une part, on peut parler d'un visage de la justice au sens figuré, et d'autre part, la justice est confrontée à une multitude de visages au sens propre. La justice se présente d'emblée à nous sous couvert d'un visage, car il semble très difficile de connaître son essence même. La justice en soi est un concept insaisissable. Elle se pare donc d'un visage pour venir à notre encontre. Cependant, son visage se fait rare, car c'est plutôt le visage de l'injustice qui se montre à nous. En effet, d'expérience on sait que l'homme doit plus souvent faire face à l'injustice qu'à la justice. [...]
[...] Et la place du visage dans la justice fait intervenir de nombreuses problématiques et divers enjeux. Si la justice, comme concept équivoque, adopte de multiples facettes, il faut cependant garder imprimé dans sa tête et dans son cœur le visage universellement connu de la justice. Et si dans sa confrontation aux visages humains, la justice semble parfois dévisageante, il faut encore qu'après la sentence il soit rendu son visage au sujet. Il ne faut surtout pas oublier que le condamné est un homme d'abord et encore (Badinter, L'exécution). [...]
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