« Il se faut réserver une arrière-boutique toute nôtre, toute franche, en laquelle nous établissons notre vraie liberté et principale retraite et solitude », écrivait Montaigne dans ses Essais. C'est ainsi que le célèbre humaniste de la Renaissance définissait ce que l'on appellerait aujourd'hui la vie privée : un espace intime qui nous est propre, une sphère dont chacun est en droit de définir les limites, dont chacun est en droit de protéger des intrusions d'autrui. Ce concept est en réalité apparu par opposition à une autre sphère constitutive de l'être humain ; la vie privée, c'est en fait ce qu'il reste quand la vie publique s'est retirée. La vie publique correspond dès lors à tout ce qui revêt un caractère officiel – et non personnel –, à tout ce qui concerne la personne comme étant un individu social. Dans les faits, relèvent de la vie publique les comportements attestant une participation à des manifestations publiques.
Cette dichotomie entre vie publique et vie privée a depuis toujours été communément acceptée, y compris par le droit. Il semble aller de soit que les deux notions s'opposent et définissent les deux sphères constitutives de tout individu. Face à ce constat il devient pertinent de considérer l'ordre juridique comme un organe protecteur de l'indépendance de ces deux « vies ». L'actuelle montée en puissance des nouvelles technologies et des médias de masse entraîne une constante intrusion de la vie privée par la vie publique, notamment pour les personnes de grande notoriété qui voient sans cesse leur intimité exposée au grand jour. Ainsi le droit a permis, grâce à différents outils, la protection de la vie privée des individus.
Toutefois il s'avère approprié d'éprouver l'étanchéité de la frontière entre vie privée et vie publique. En réalité il s'agit de ne pas les considérer comme deux sphères totalement antagoniques ; l'intérêt réside bien plus dans l'étude des interférences et relations existant entre ces deux espaces. De quelle manière l'un de ces deux espaces interfère sur l'autre ? Quelle est la réponse du droit dans la recherche d'un équilibre entre vie privée et vie publique ?
Si la définition des deux sphères distinctes peut s'avérer dans un premier temps assez évidente, il s'avère en réalité que la situation est bien plus complexe. Certes, le droit a tendance à protéger la vie privée ; cependant une étude plus approfondie de la question dévoile les ambiguïtés et les limites posées par la protection de cette sphère intime de la vie.
[...] Les choses se complexifient davantage quand une personne révèle elle-même, de manière plus ou moins explicite, des éléments de sa vie privée. Que faire si un homme politique utilise sa vie privée comme élément médiatique ? Le mariage, par exemple, est un acte civil banal, ni proprement privé ni proprement public. Il l'est en réalité selon la volonté de la personne. Si l'on considère le mariage de personnes de grande notoriété, tout dépendra de leurs choix : le couple peut décider de s'unir en grand apparat, avec cortège etc. : il s'agira manifestement d'un acte public. [...]
[...] De même que certains objets posent problème au droit : le patrimoine est-il privé ou public ? L'évolution jurisprudentielle a été assez chaotique sur cette question. Dans une décision du 21 janvier 1999 la CEDH précise que les informations patrimoniales concernant une personne menant une vie publique comme un dirigeant de grande société ne relèvent pas du domaine de la vie privée. En effet ces personnes peuvent avoir un impact et une influence sur la vie économique et financière; ainsi il s'avère nécessaire d'instaurer une certaine transparence quant à la question de leur patrimoine. [...]
[...] Sa revendication s'apparente dans certains cas à la défense d'une conception de la vie. Par exemple la volonté des transsexuels de sauvegarder leur vie privée est une manière détournée de lutter pour la reconnaissance de la liberté de leur vie personnelle. La vie privée, selon Bernard Beigner, est devenue une question de conscience, une différence au sein de la vie publique et non une sphère autonome et opposée à cette dernière. Ainsi le droit à la vie privée devient un droit à la différence. B. [...]
[...] Enfin se pose un troisième problème, celui du caractère dissuasif de telles mesures. Elles se révèlent parfois inefficaces, car il arrive qu'un journal préfère payer 10 de dommages et intérêts pour avoir un excellent scoop Il existe néanmoins d'autres armes plus décisives mises à la disposition des tribunaux pour sanctionner les atteintes à la vie privée. L'efficacité de ces dispositions réside principalement dans son aspect temporel puisqu'elles peuvent être mises en place très rapidement. L'article alinéa 2 du Code Civil dispose en effet que les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée Concrètement la justice peut décider d'interrompre la diffusion d'un film, la production d'un magasine voire d'en saisir les exemplaires litigieux disponibles. [...]
[...] On reconnaît fait un très grand pouvoir d'appréciation au juge. Ainsi la protection de la vie privée trouve de nombreuses limites, d'une part établies par les droits et d'autre part nées de la confrontation avec d'autres grands principes constitutionnels liés à la vie publique. Vie privée, vie publique deux concepts différents mais qui forment un tout. La distinction entre les deux sphères de notre vie s'est révélée difficile et ambiguë tant les interférences et interactions entre les deux sont nombreuses. [...]
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