Si l'homme est en quête de vérités, c'est peut-être parce qu'elles le rassurent en établissant des repères dans un univers instable. L'histoire des sciences montre cependant que les vérités changent, ne serait-ce qu'en fonction de l'avancée des techniques de recherche. Il existe pourtant des domaines où l'affirmation d'une éternité de la vérité est possible. C'est bien ce que propose la croyance religieuse, qui offre ainsi un confort qu'on ne trouve pas dans les sciences. Mais il existe aussi des évidences volontiers partagées, se référant à une "nature" ou un "ordre des choses" qui échappe au changement. Ces éléments idéologiques seraient d'autant plus prégnants qu'ils sont indifférents à la pensée rationnelle.
[...] La raison change, comme la vérité] Elle change pourtant dans les géométries non euclidiennes. Si cela' semble toujours un peu difficile à admettre, c'est parce que la vérité reconnue au système euclidien perd son caractère absolu: la géométrie d'Euclide ne devient qu'une géométrie parmi d'autres. Durablement habitué à l'idée d'une vérité unique - en mathématiques peut-être plus encore qu'ailleurs l'esprit a d'abord de la difficulté à admettre l'existence de plusieurs systèmes, et donc de plusieurs vérités. C'est que la vérité mathématique, purement formelle, ne dépend que de décisions rationnelles: pour reconnaître la pluralité des systèmes, il faut reconnaître une pluralité possible de rationalités. [...]
[...] Les vérités scientifiques nous fournissent une représentation changeante du réel. Mais ce dernier ne nous concerne que de loin: il n'interfère pas directement dans nos choix de vie. À l'inverse, l'idéologie nous constitue intimement, en même temps qu'elle nous donne une vision du monde à l'intérieur de laquelle une représentation scientifique peut s'insérer. C'est pourquoi elle oppose une forte résistance aux indicateurs de transformations, dont le caractère changeant de la vérité fait évidemment partie. [Conclusion] Hegel, en concevant que la vérité elle-même est soumise à une dialectique, souligne qu'elle est appelée à changer. [...]
[...] Comment une vérité peut-elle être intemporelle Pour les croyants, les vérités de la religion (du moins monothéiste) sont admises comme ne devant jamais changer. En raison même de leur origine : révélées une fois pour toutes par Dieu, elles sont inscrites dans un texte définitif, et doivent être reconnues comme absolues. Le fidèle ne peut donc pas situer une vérité d'origine divine dans le même contexte que les lois scientifiques: la vérité révélée participe de la perfection du créateur, alors que les vérités changeantes confirment l'imperfection ou les limites de la raison humaine. [...]
[...] Pour être admise dans tous les domaines, cette conception suppose que l'être humain obéisse lui- même à un fonctionnement rationnel. Que la vérité change a beau être prouvé par l'histoire, la mentalité est aussi faite d'éléments idéologiques qui ne sont pas rationnels, et c'est bien pourquoi l'idée du changement de la vérité peut, dans la pratique quotidienne, se heurter à de fortes résistances. [...]
[...] Cette nature signifie que les transformations historiques ne comptent pour rien, ou qu'elles ne sont qu'illusion. Par exemple, faire allusion à une nature humaine (indépendamment du créationnisme). C'est sous-entendre que l'histoire de l'humanité, dont on admet sans doute par ailleurs qu'elle existe, n'a pas entraîné de changements sérieux dans l'homme lui-même, qui serait toujours semblable à ce qu'il a toujours été, dans ses comportements, son affectivité (l'amour, l'instinct maternel), ses façons de penser: on néglige totalement la façon dont l'histoire ou l'anthropologie prouvent le contraire. [...]
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