Dans n'importe quelle discussion, la référence à une vérité démontrée permet à l'interlocuteur de marquer un point. Mais toute vérité est-elle démontrable ? Si la démonstration, en particulier mathématique, a pu passer pour le modèle de toute vérité, c'est parce que la raison y déploie une rigueur complète. Mais pour qu'un tel modèle soit universalisable, il faudrait que toute quête de vérité concerne des domaines logiquement accessibles. Or, il n'en va pas ainsi : Kant établit qu'au delà de la connaissance, on doit réserver un espace à la pensée, notamment métaphysique. L'homme n'est pas que pure raison, et son existence inclut des aspects dans lesquels la démonstration n'est pas viable, alors que le souci de la vérité y demeure (...)
[...] Si l'on en croit Platon, c'est cependant pour une autre raison que la démonstration ne peut se charger en totalité de la vérité. Lorsque, dans la République, il hiérarchise quatre domaines et quatre modes de la connaissance, le raisonnement démonstratif dépasse-t-il les images et les perceptions, ce qui lui permet d'introduire à l'univers intellectuel, mais il demeure, dans le vocabulaire platonicien, "hypothétique", puisqu'il dépend d'"hypothèses" (de propositions) premières. Or, le quatrième mode de connaissance est pour sa part "anhypothétique", et il concerne il vérité dans sa version la plus haute, celle qui coïncide avec les Idées ou Formes absolues, auxquelles l'esprit accède par "intuition" ou "vision directe". [...]
[...] Y a-t-il d'autres moyens que la démonstration pour établir une vérité? Dans n'importe quelle discussion, la référence à une vérité démontrée permet à l'interlocuteur de marquer un point. Mais toute vérité est-elle démontrable? Si la démonstration, en particulier mathématique, a pu passer pour le modèle de toute vérité, c'est parce que la raison y déploie une rigueur complète. Mais pour qu'un tel modèle soit universalisable, il faudrait que toute quête de vérité concerne des domaines logiquement accessibles. Or, il n'en va pas ainsi: Kant établit qu'au delà de la connaissance, on doit réserver un espace à la pensée, notamment métaphysique. [...]
[...] Celles-ci peuvent paraître plus fragiles que les vérités démontrées, qui ne sont pourtant pas des absolus, mais elles sont au moins aussi importantes. Une pensée qui pourrait être sûre de ne jamais se tromper serait-elle encore humaine? Et s'il fallait admettre que ne sont à considérer que les vérités démontrées, quel statut accorder aux pensées et aux cultures pour lesquelles la démonstration telle que nous la comprenons n'a rien de particulièrement vénérable. [...]
[...] On aurait tort cependant de déduire de ces performances de la démonstration que les vérités qu'elle permet d'établir seraient absolues, ou définitives. Dans un deuxième temps, même les vérités démontrées ne sont pas absolues. Elles dépendent de principes premiers indémontrables. Les mathématiciens classiques eux-mêmes reconnaissent que la vérité démontrée implique nécessairement l'existence d'éléments premiers, qui sont pour leur part indémontrables. La géométrie d'Euclide ne peut se construire qu'après qu'ont été posés initialement des ensembles de définitions, d'axiomes et de postulats, dont le caractère commun est précisément qu'ils ne peuvent être établis par un raisonnement démonstratifs. [...]
[...] De tels postulats affirment ainsi des vérités premières, mais celles-ci ne peuvent être démontrées. C'est que la métaphysique est le domaine, non d'une connaissance (expérimentale ou démonstrative), mais de la pensée. Et celle- ci paraît correspondre aux plus hautes ambitions (aussi bien qu'au plus haut questionnement) de l'esprit, qui se trouverait donc tronqué s'il ne devait reconnaître d'autre vérité que démontrée. Dans la mesure ou la pensée n'est pas réductibles à la seule démonstration, on doit admettre l'existence d'autres moyens que la démonstration pour atteindre des vérités. [...]
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