Le principe de non contradiction chez Aristote est formulé au chapitre 3 du livre Γ de la Métaphysique. Dans ce chapitre, nous distinguons deux formulations distinctes du PNC : la formulation ontologique, et la formulation que l'on appellera, à la suite de Lukasiewicz, formulation psychologique (PNC dit psychologique, ou PPNC) :
Personne ne peut croire qu'une même chose est et n'est pas, comme, selon certains, le dit Héraclite; car celui qui parle ainsi ne doit pas croire ce qu'il dit.
« croire » étant la traduction du verbe υπολαμβανειν. Lukasiewicz, dans Le principe de contradiction chez Aristote, tire de ses analyses du texte de La Métaphysique une troisième énonciation du PNC (PNC dit logique), et il propose un travail qui consiste à redéfinir les énoncés, et considérer les relations qui existent entre ces trois formulations du PNC. Ainsi, il établit l'équivalence des principes logiques et ontologiques qui, en tant que principes définitifs, ne peuvent pas être démontrés. Mais, d'après Lukasiewicz, Aristote tente de donner une démonstration du PPNC, ce qui en fait une formulation particulièrement intéressante du point de vue de la compréhension globale du PNC. Afin d'éclaircir ces textes du livre Γ, il justifie son interprétation par des analyses précises des textes du De anima, du De l'interprétation et de La métaphysique. Nous nous penchons donc d'abord sur ce passage extrait de la Métaphysique, et sur ces textes, en essayant de dégager les thèses de Lukasiewicz et d'en comprendre l'approche « psychologiste », tout en mettant en avant l'idée selon laquelle le choix de traduction du verbe υπολαμβανειν (croire) détermine l'interprétation des termes d'Aristote. Lukasiewicz choisit de déterminer la croyance comme un acte clairement lié à l'activité psychologique de l'individu, caractérisée par le sentiment de celui qui croit. Dès lors, son analyse du PPNC le conduit à en considérer les conséquences cognitives chez l'individu, nous permettant de tirer des conséquences quant au statut du principe psychologique, qui est alors caractérisé comme une loi empirique.
D'autres questions concernant le travail sur la croyance de Lukasiewicz se posent : la question de la possibilité du choix d'une croyance, idée qui semble exclue de l'analyse de Lukasiewicz. Ce que l'individu peut choisir, c'est d'énoncer, ou non, sa conviction. Cependant, la nature de celle-ci implique qu'il n'a pas d'autre possibilité que d'y croire. Dès lors, face au PPNC, la question de la disposition cognitive de l'individu lorsqu'il énonce une croyance, se pose : en effet, doit-il, s'il veut que les énoncés de ses croyances puissent être considérés comme potentiellement justes, ne pas produire un ensemble d'énoncé contradictoire ? Ou peut-il penser que, aux vues du PNC, il est de toute évidence impossible que les énoncés de ses croyances soient contradictoires ? De fait, est-il possible qu'un individu ait l'expérience de croyances contradictoires ? Et, à la suite de cette reprise de l'analyse de Lukasiewicz, un travail sur la croyance nous amène à considérer l'ensemble des interprétations possibles de l'énonciation de la croyance, selon deux critères : l'adhésion et la justification. Il existe donc un panel de possibilités liées à l'énonciation de la croyance d'un individu, de l'adhésion la plus forte au refus de croire, que la décision soit justifiée ou non. Et nous cherchons, dans ce cadre, à déterminer au plus juste la pensée d'Aristote. Par ailleurs, si nous retenons l'hypothèse selon laquelle la croyance est un discours motivé, alors il faudra montrer si et de quelle manière la justification est contrainte par des règles.
Nous essaierons de répondre à ces questions en cherchant dans un premier temps à comprendre la pensée de Jan Lukasiewicz. Ensuite, en nous appuyant sur les textes d'Aristote, nous essaierons de déterminer les limites de l'interprétation de l'υποληφις comme conviction, et d'en proposer une autre. Selon celle-ci le PPNC se rapprocherait d'un principe logique, en ce sens qu'il serait à la source de règles définissant la recevabilité de la croyance, tout en tenant compte de l'aspect psychologique de celui qui l'énonce. En effet, nous chercherons en quoi nous pensons que ce qu'Aristote dit de l'υποληφις constitue un type d'engagement que prend un agent lorsqu'il décide d'énoncer une croyance. Pour arriver, enfin, à caractériser υπολαμβανειν comme un acte de convaincre, qui se rapproche du sens juridique contemporain de « conviction », à savoir le cas d'une procédure conflictuelle et contrôlée.
[...] Ibid b 30. Ibid b 27-29. Lukasiewicz, Op. Cit., p Aristote, De l'Interprétation, traduction J. [...]
[...] Lukasiewicz a affirmé qu'il existe trois formulations du principe de contradiction. Voici celle qu'il appelle logique parce qu'elle porte sur des jugements contradictoires et concerne la valeur de vérité des jugements qui sont des faits logiques : Le principe le plus sûr de tous est celui qui établit que deux jugements contradictoires ne sont pas vrais à la fois.[48] Par jugements contradictoires nous pensons qu'Aristote entend deux jugements opposés, dans le sens de l'opposition d'une affirmation qui énonce un attribut d'un sujet et d'une négation qui nie cet attribut à ce même sujet. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, l'énoncé semble réellement étonnant, voire absurde, quoique consistant. Bien que soit consistant, cet autre énoncé : je crois que le cas est le suivant : il pleut dehors mais je ne crois qu'il pleuve dehors Ba(p & ~Bap) est, quant à lui, réellement inconsistant. Voilà ce qui explique, selon Hintikka[42], ce qui nous semble être absurde dans cet énoncé bien qu'il soit logiquement consistant : ce qui est violé lors de l'énoncé de n'est pas la consistance logique mais plutôt la présomption que celui qui parle croit ou au moins croit concevable ce qu'il affirme. [...]
[...] Donc, le critère fondamental de validité d'une croyance, c'est qu'elle soit consistante. Ce qui est important ici, c'est que celui qui énonce une croyance peut ne pas être capable de démontrer qu'elle est vraie, mais on pose comme condition à l'énonciation de sa croyance une exigence de consistance qu'on qualifiera d'évidente. Ce que l'on appelle évident ici, c'est ce qui peut être compris aisément par une personne qui est capable de comprendre les outils intellectuels classiques et ou non si, alors et donc de saisir les implications dites simples soit seule, soit si on les lui montre. [...]
[...] Souvent, a croit ne signifie rien de plus que il semble à a ou a a l'impression que ou a conjecture Alors (A.CBB*) est nettement moins plausible que quand il exprime une conviction ou une opinion supputée. in Hintikka, Op. Cit., p.26. Nous utilisons les notations du livre d Hintiin Hintikka, Op. Cit., p.26. Nous utilisons les notations du livre d'Hintikka, Op. Cit., p.10-11 Nous retrouvons ces critères de consistance dans le chapitre 2 Criteria of Consistency in Hintikka, Op. [...]
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