Il semble évident d'admettre que la prise en compte des différences culturelles ne remette pas en cause des valeurs qui se veulent universelles : en effet, si l'homme est un être de culture, apte à juger par lui-même ce qui lui convient de dire et de faire, alors, ne doit-on pas admettre que la tolérance envers la diversité culturelle est la seule attitude admissible pour une société qui entend préserver l'intégrité et la dignité des valeurs humaines ? Penser que le déni de la multiplicité culturelle permettrait d'accéder à des valeurs plus universelles, c'est-à-dire des valeurs qui valent pour tout homme, en tout temps et en tout lieu, reviendrait alors à accepter que s'instaure un ethnocentrisme ?à savoir cette tendance forte qui amène un groupe social à juger les autres par rapport à son propre système de valeurs, comme s'ils devaient absolument s'y rapporter à la manière des points de la circonférence du cercle à son centre ?qui rendrait acceptable que la haine et le conflit s'inscrivent comme facteur de la préservation des valeurs universelles. Cela reviendrait alors à valider la guerre de tous contre tous pour instaurer des valeurs communes à tous. Il y a là une aberration théorique qui heurte notre conscience morale (...)
[...] Mais toute condamnation achoppe au relativisme straussien ; pour Bouveresse, il nous faut condamner ce racisme car les valeurs de tolérances transcendent les valeurs communautaires, ce qui contredit le postulat de Lévi-Strauss : en effet, la notion même de différences culturelles marquent bien l'absence d'éléments communs entres ses cultures, il n'y aurait donc pas de valeurs transcendantes à ces cultures, elles seraient toutes immanentes à une culture donnée. De là l'annihilation complète de valeurs qui transcenderaient les cultures. Ainsi, respecter les différences culturelles ne serait au final qu'une marque de racisme et d'indifférence qui refuserait de dire son nom. [...]
[...] A l'inverse, dans certains pays d'Afrique subsaharienne ce sont encore les hommes qui cultivent la terre de leurs mains, faute de moyens techniques, logistiques et financiers. Si cette dichotomie se révèle véritable, et qu'il existe alors une humanité qui entend se dédoubler, cela serait admettre qu'il y aurait deux genres humains qui scinderaient l'unicité de l'humanité, l'une encline au bien, l'autre au mal. Cette division nous semble absurde dès lors que l'on admet se placer de notre point de vue subjectif qui nous incite à penser cette hiérarchie au sein même de l'unicité du genre humain. [...]
[...] Finalement, serait-ce à dire que les différences culturelles n'atteindraient pas les valeurs universelles, qui sont, par définition, indépendantes de toute appartenance culturelle, c'est-à-dire valables pour tous ? Pour Hegel, la valeur d'une culture, si tant est que l'on puisse parler de valeur, est proportionnelle à son universalité, plus précisément, elle acquiert d'autant plus de valeur qu'elle permet aux autres cultures de progresser en accomplissant une fin qui lui est singulière et propre. Selon Hegel, c'est cette capacité à transcender le particulier dans le but d'atteindre l'universel qui fonde le critère même d'universalité des cultures. [...]
[...] Penser ainsi la tolérance vis-à-vis des cultures différentes de la mienne la pose dès lors comme la seule attitude digne d'une humanité –valeur essentielle au genre humain vaut la peine d'être vécue. Néanmoins, n'y aurait-il pas des différences essentielles qui scinderaient les cultures en des pôles opposés ? N'y aurait-il pas des dérives à la tolérance de cette pluralité culturelle ? En bref, cette valeur universelle qu'est la tolérance n'est-elle pas annihilée dès lors qu'elle se mue en rejet de la culture de l'autre ? Pour l'anthropologue Jack Goody, c'est l'entrée et le développement du langage qui ont suscité une modification de l'humanité. [...]
[...] Par conséquent, si la tolérance de ce multiculturalisme est ce par quoi est garantie la préservation de valeurs universelles, par la reconnaissance d'autrui en tant qu'être humain libre, digne par la même de respect tant de son être que de la culture qui est la sienne, elle est aussi ce par quoi des valeurs à prétention universelle sont remises en question. Dès lors, il semblerait que l'unité des valeurs humaines soit au cœur du sujet, unité mise en danger par ce relativisme moral latent. D'un contient à l'autre, d'un pays à l'autre, d'une ville à l'autre et même d'une maison à l'autre, les principes moraux sembleraient différer à cause de cette différence d'héritage culturel. Néanmoins, ne doit-on pas affirmer qu'il existe des valeurs qui transcendent ces différences culturelles ? [...]
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