Il s'agit à la fois d'une dissertation portant sur la mise à portée du plus grand nombre de l'activité artistique et sur la philosophie de l'art du grand écrivain russe L. Tolstoï.
[...] Les descriptions sociologiques externes et internes de Tolstoï présentent ainsi l'activité artistique, en tant qu'elle est professionnalisée et adossée à une théorie esthétique, comme de facto incompatible avec l'universalité. Dans les chapitres qui suivent, l'auteur va s'attacher à élaborer une explication de cet état de fait, dont le moindre enjeu n'est pas celui de déterminer si la pensée d'un changement de donne en la matière doit être tenu pour utopique. A cette pratique artistique, dispersée en une multitude de chapelle esthétiques, Tolstoï commence par trouver un principe unificateur dans le fait même qu'elle relève d'une esthétique, c'est-à-dire d'une théorie de l'art qui se donne le beau et, plus fondamentalement, le plaisir inspiré par le beau, comme ultime finalité. [...]
[...] Le dernier chapitre de Qu'est-ce que l'art ? fonctionne à la manière de la seconde moitié de L'Utopie de More, comme une inversion de la réalité de l'activité artistique dans la société contemporaine de Tolstoï : l'activité artistique de l'avenir sera alors non professionnelle, non adossée à une école esthétique, non séparée des autres dimensions d'une vie communautaire dans laquelle, de même que dans le texte fondateur de l'humaniste anglais, les inégalités liées à la propriété privée auront été abolies. [...]
[...] Du point de vue éthico-politique, enfin, l'activité de l'artiste n'apparaît pas motivée par une forme de nécessité intérieure mais s'apparente bien plutôt à un jeu, régi par des règles conventionnelles et, de fait, contingente, sans relation avec ce que l'on appelle la « vraie vie ». Tolstoï décrit ainsi l‘activité artistique, d'un point de vue prétendument extérieur, comme une activité objectivement élitiste, fondée sur l'exploitation et séparée de la vie réelle. Cette perspective, qui extrémise les intuitions que nous avons mobilisées dans notre introduction, indique bien que l'activité artistique, du moins telle qu'elle se présente professionnellement, ne peut être accessible à tous. [...]
[...] Kechiche dans L'Esquive : faire jouer Le Jeu de l'amour et du hasard par des lycéens dans une banlieue dite « défavorisée ». Toutefois, la référence montre que, tout allogène que soit la pièce de Marivaux dans l'univers familier de Krimo, le héros du film, si ce dernier parvient à s'arracher pour un temps à ce que son quotidien l'appelle à être, c'est parce le rôle d'Arlequin, qu'il interprète, représente une démarche parallèle à la sienne, sensible, à la manière d'un universel, par-dessus les barrières de la langue et des mœurs. [...]
[...] Avant que de conclure sur le statut qu'elle occupe à l'intérieur de la pensée de Tolstoï, et partant du constat qu'une conception séparatiste et esthétique de l'art s'impose parmi les élites cultivées dont celui-ci est le contemporain, il convient donc de nous demander si cette activité est envisagée comme réalisable dans Qu'est-ce que l'art ? et, le cas échéant, pour quelles raisons. Or Tolstoï présente a minima trois raisons de penser que l'activité artistique « vraie » appartient au domaine de la réalité. En premier lieu et suivant les analyses du chapitre l'art chrétien du Moyen Âge témoigne de l'existence d'une activité unifiant l'artiste et le public dans un même sentiment de ferveur religieuse. [...]
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