L'utopie est-elle discréditée et refusée dans son ensemble ? N'est-ce pas seulement une des visions de l'utopie jugée trop dangereuse qui est aujourd'hui refusée? Quelle peut être ou quelles peuvent être ces utopies naissantes ? Par ses dérives totalitaires, l'utopie comme édification d'une société idéale est lourdement discréditée, cependant l'utopie comme désir d'exploitation des possibles latéraux est consubstancielle à l'existence en société
[...] Sa plume est ici un sismographe qui pointe le danger. Des auteurs comme Zamiatine et son livre Nous autres, ou bien Ernst Jünger qui écrivit Sur les falaises de Marbre, sont deux exemples d'écrivains pris dans le système totalitaire d'une utopie réalisée et qui cherchent à le dénoncer. Nicolas Berdiaeff clame l'importance du rôle des intellectuels qui doivent "rêver" les moyens pour retourner à des sociétes non utopiques, moins parfaites certes, mais plus libres. Les contre-utopies se sont donc fait le premier adversaire des totalitarismes, eux-mêmes perpétrés au nom d'utopies. [...]
[...] L'utopie se conçoit comme une totalité, tout ce qui lui échappe étant ressenti comme une limite. Le projet utopique conduit donc à tout recomposer ; la volonté de perfection justifiant tout, même la dérive idéologique : cette dérive a pour origine la volonté de réifier ce qui est une fiction, de fermer dans le présent ce qui est ouvert sur l'avenir. C'est ce que dénonce J.-F. Revel dans son livre La grande parade. Selon lui "les utopies proposent des sociétés totalitaires : toutes les utopies sont dès l'élaboration du modèle intellectuel, des sociétés totalitaires." De plus, selon le philosophe russe Nicolas Berdiaeff "les utopies apparaissent bien plus réalisables qu'on ne le croyait auparavant." La réalisation de certaines utopies dont la plus célèbre reste le communisme semble avoir jeté le discrédit sur l'utopie et détruit l'alibi derrière lequel elle pouvait se réfugier : l'impossibilité. [...]
[...] Cependant, la chute de la dernière grande utopie relatée dans le livre de F. Furet, à savoir le communisme, semble nous avoir projetés dans ce que Fukoyama a nommé "la fin de l'histoire". L'opinion s'accorde à dire que le capitalisme néolibéral a désormais triomphé et qu'il ne reste plus qu'à suivre les règles qu'il établit. Ainsi, l'utopie condamnée par ses dérives totalitaires, est également rejetée du fait de son irréalisme : le réalisme est devenu le mot d'ordre et la stratégie de la "tabula rasa" est complètement abandonnée. [...]
[...] Il n'existe pas de zone de non- droit. De plus, la loi ne supporte aucune faute aussi anodine soit-elle. Toute infraction est criminelle car elle marque l'irruption du mal dans la cité idéale, dans ce nouvel Eden. Le châtiment sera dans un premier temps la rééducation, mais si celle-ci se révèle impossible, la nature même de l'utopie interdit de tolérer la présence du mal dans son univers voué à la perfection. Tout est organisé contre ce risque (celui d'échouer à établir la perfection) : la vie est réglée et la liberté individuelle niée. [...]
[...] Comment doit évoluer ce monde virtuel pour que le projet utopique se mette véritablement en marche ? [...]
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