Une trépidation qui pense : peut-on seulement imaginer cela ? Qu'une démangeaison puisse donner à penser, qu'un spasme, une secousse dont l'épicentre se situe dans les fonds de corps les plus reculés réussisse à se frayer un chemin jusqu'aux neurones pour en faire friser les synapses et bourgeonner les barbelés, propulser l'esprit vers des sphères auxquelles il n'aurait même pas penser pouvoir accéder, voilà une chose qui ne laisse pas de surprendre ou de scandaliser ceux pour qui l'intelligence ne saurait avoir d'autre siège que le cerveau, pour qui l'intensité et l'émotion sont incompatibles avec le calme requis par l'étude et la réflexion (...)
[...] Un élan qui voudrait décider l'intelligence à n'exister que convulsivement modelée par les profondeurs Pensée vitaliste, qui ose calquer le mouvement de l'esprit sur celui, bacchique, de la vie qui en est la source cette vie dont une pulsion lyrique n'a jamais cessé de multiplier le grouillement par la complexité, au point que son instinct nous demeure encore bien énigmatique, malgré le scientisme, voire contre lui Le viscéralisme, on l'aura compris, s'inscrit dans la tradition dionysiaque, où la connaissance est toujours connaissance par les gouffres chaosnaissance c'est-à-dire non seulement connaissance du chaos, mais par le chaos, naissance au chaos où la pensée ne vaut que comme pensée abyssale en prise avec nos forces les plus obscures. Des forces qu'on ne peut véritablement connaître qu'à condition de s'y colleter, personnellement, plutôt que de se contenter de simplement les penser sans jamais prendre le risque de les éprouver : L'observation des instincts fût-ce à travers la psychanalyse pèche presque toujours par manque de vécu. [ . ] Nous voulons bien les connaître, mais sans en ressentir en nous la morsure agissante. [...]
[...] Aussi la pensée et les arts viscéraux me semblent-ils, dans la lignée du gai savoir et des arts dionysiaques, beaucoup plus aptes à rendre compte de l'humain en totalité que la Rationalité étriquée qui prétend l'assujettir à son ordre et à ses lois, en rupture avec le foisonnement inhérent à la vie. Il faut comprendre que le rationalisme en sa prétention scientifique est particulièrement inapte à saisir, voire même à appréhender, l'aspect touffu, imagé, symbolique de l'expérience vécue note Michel Maffesoli dans La raison sensible, brillant plaidoyer pour la réconciliation de la pensée avec son soutènement organique et sensoriel. [...]
[...] Ce serait "merveilleux", de s'exclamer Moreau, si l'homme se transportait, un peu plus souvent, avec sa raison et ses mots, au coeur de ses énergies les plus incontrôlables, au lieu de s'en prétendre exempt. Rimbaud, déjà, recommandait au poète qui voulait se faire voyant c'est-à-dire réellement connaissant de l'âme humaine un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens prescrivant l'usage de tous les paroxysmes, l'expérimentation de tous les états-limites, de toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie , de manière à épuise[r] en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences : Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, et le suprême Savant ! [...]
[...] Il faut donc une autre méthode de pensée qui se nourrisse de l'être en totalité, y compris de ses aspects les plus inquiétants, les moins familiers, les plus sombres et non seulement de ses prétendues lumières qui laissent dans l'ombre, précisément, toute une part, capitale, de l'humain. Un mode de connaissance pour lequel l'émotion et les passions ne soient pas des obstacles, mais bien des tremplins pour l'esprit en quête d'aventure. Au rationalisme et au mentalisme en haine du vivant dans ce qu'il de fondamentalement tumultueux et chaotique, Moreau oppose le viscéralisme Qu'est-ce ? [...]
[...] Accusant les instincts d'être fascistes, la classe rationnelle décrète suspects ou néfastes ceux des attributs de l'homme dans lesquels elle prétend reconnaître les fondements du fascisme. Ainsi, il y avait une "volonté de puissance" collective dans le fascisme. Il y aura donc une contestation de la volonté, en tant que vertu individuelle. La volonté guerrière, sanglante, expansionniste, raciste du fascisme rend louches et malsaines toutes les formes d'appel à la volonté À ce compte-là, on devrait tout aussi bien se priver de la chaleur du feu sous prétexte qu'il peut également brûler et faire mourir aux mains des pyromanes et des incendiaires. [...]
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