Pour Karl Popper, la liberté a été inventée avec la sortie d'Egypte, c'est-à-dire avec l'émancipation d'un pouvoir tutélaire. Mais il faut bien remarquer que Dieu offre aux Hébreux la liberté car Il en fait son peuple élu (question de l'universalité que le « nous » du libellé soulève), peuple qui devra suivre les préceptes et commandements du Miséricordieux (faut-il alors être guidé vers, conduit à la liberté ?). Dès lors, le travail prend valeur de culte, et est en quelque sorte le chemin vers Dieu et vers la liberté. C'est ce que la dernière phrase de Candide suggère : « il faut cultiver notre jardin » implique que la culture, ce travail de la terre (en hébreu « pardès », le verger, et par extension le paradis, lieu de la liberté), et implicitement ce travail de l'esprit, rend libre. Il y a donc l'idée d'un processus. Mais le verbe « rendre » peut aussi avoir le sens d'un retour, ou dans le cadre d'un marché, d'une compensation. Dès lors, comment concevoir la relation entre travail et liberté, selon le sens de ces termes ? (...)
[...] En nous divulguant cette demeure, et en nous en ouvrant les portes, le travail nous rend bien libres. La résurgence de ce for intérieur sur l'intellect est, lorsqu'il est bien traduit, de la philosophie. Le philosophe est, au même titre le poète, un guide qui se doit de faire flamboyer l'avenir Fonction du poète V. Hugo). Or on retrouve ici, dans la fonction le travail du philosophe. On sait, depuis Platon, que le philosophe agit dans l'espoir de faire sortir de leurs sensations trompeuses (Platon) les hommes qui végètent (V. [...]
[...] Travail et liberté semble inextricablement liés. Le travail, en tant qu'enrichissement de la pensée, rend libre dans la mesure où, grâce à lui, l'esprit s'élève. On côtoie ici les rivages philosophiques avec l'idéal humaniste : on ne naît pas homme, on le devient (Erasme). C'est donc par l'apprentissage que l'être humain gagne en humanité. Cependant, si cette dernière est placée au centre des préoccupations es penseurs de la Renaissance, le travail n'a de valeur que spirituelle et ne résout pas le problème de la liberté physique. [...]
[...] Le travail semble donc bien nous rendre libre, tous autant que nous sommes à pouvoir travailler. Cependant, la liberté n'est pas par essence une clause du contrat de travail. La société, aussi bien Antique que post-moderne, est fondée sur le principe du donnant-donnant : travail contre liberté. Mais cette logique ne vaut que dans le cadre d'un apport de valeur ajoutée. De plus, si le travail rend libre par l'égalité, du moins par l'égalité face au pouvoir, le travail conforte le pouvoir, certes, mais c'est ce pouvoir qui décidera de la liberté de chacun. [...]
[...] Tout comme on peut se demander si les philosophes des Lumières, en agissant pour le bien du peuple (de sa majorité seulement!), ont privé les aristocrates de leurs libertés par leurs prises de position. En réalité, le travail de l'un, libre, ne joue peut-être pas en faveur de liberté de l'autre. Le caractère universel du nous est problématique. Si le travail semble bien se concevoir comme un outil pour accéder à la liberté, cette dernière ne paraît pas être collective. Toutefois, et c'est finalement le plus gros défaut du travail, c'est que l'on est contraint de s'exercer pour préserver notre liberté, soit elle notre indépendance physique, spirituelle, ou intellectuelle. [...]
[...] Le rêve que propose le travail est l'expression même de la liberté. Le travail, qu'il plaise ou non, engrange le désir d'une vie meilleure : soit par l'aboutissement d'une passion, qui sera valorisé, soit par le rejet d'une tâche pénible et rébarbative avec l'espoir d'une autre vie. Ce travail en question peut aussi bien être physique qu'intellectuel. Dans les deux cas, il propose une réflexion, un retour sur soi-même. A cet égard, il garantit la pleine possession de son for intérieur, lieu de l'imagination et du rêve. [...]
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