A la première lecture, une formule telle que « le travail de l'esprit » peut paraître contradictoire. Historiquement, l'activité de l'esprit, entendons par là l'activité de penser i.e. d'avoir et de former des représentations mentales, n'est pas considérée comme un travail mais au contraire comme son strict opposé: le divertissement. En effet, dans la Grèce Antique, l'écolier (scholé) est celui qui a du loisir, qui a le privilège d'être dispensé du travail, i.e. de toute activité qui ne se ramène pas au principe de plaisir. A l'heure actuelle également, l'activité intellectuelle est parfois considérée comme un non-travail, dans le sens où le sujet n'est pas directement confronté à une résistance physique contre laquelle il doit lutter. Si l'on considère les différentes caractéristiques qui définissent le travail, on s'aperçoit aussi que, à bien des égards, l'activité intellectuelle semble être incompatible avec cette notion. Travailler implique un effort prolongé, rémunéré, et qui aboutit à une production matérielle d'objets d'usage. Sur ce point, l'activité du philosophe est en totale contradiction avec cette définition; penser est en effet une activité gratuite, et qui ne produit rien de concret. Quant à l'effort, si l'on en croit Aristote ( Ethique à Nicomaque, X,8) il n'existe pas pour l'activité intellectuelle. Pourtant, n'est-il pas hâtif d'exclure tout lien entre l'activité intellectuelle et le travail parce que l'activité de penser ne représente pas, à première vue, une lutte acharnée contre une matière résistante? N'y a-t-il vraiment rien de commun entre le menuisier qui travaille le bois et le poète qui combine les mots? Le travail se définit également comme la satisfaction de besoins impliquant alors la notion de médiation. Or, avons nous uniquement des besoins matériels ou n'existe-t-il pas des besoins intellectuels? Enfin, le travail induit aussi une action destinée à assimiler, transformer ou dominer le réel. Cette action est-elle réservée à l'activité manuelle? La pensée est souvent présentée comme une activité intérieure, excluant totalement le monde qui entoure le sujet pensant, mais est-ce vraiment le cas? La question du travail de l'esprit se pose dès lors en d'autres termes: la possession et la production de représentations mentales est-elle compatible avec un processus tourné vers l'extérieur? En d'autres termes, la pensée interne à un sujet particulier est-elle, sinon indépendante, du moins autonome par rapport aux conditions extérieures ? Penser n'est-ce pas, au contraire, une relation permanente au monde?
[...] Hitchcock, se met à imaginer des scénarios baroques sur la vie de ses voisins. Enfin, l'activité intellectuelle semble s'opposer à l'esprit du travail dans le sens où le travail se définit souvent comme une lutte difficile contre une résistance persistante. La pensée rencontre-elle des obstacles? S'il n'y a pas de résistance, si la pensée coule de source, penser n'est effectivement pas un travail. C'est d'ailleurs l'argument d'Aristote qui considère que penser est la seule activité qui ne fatigue pas (Ethique à Nicomaque , X,8). [...]
[...] de toute activité qui ne se ramène pas au principe de plaisir. A l'heure actuelle également, l'activité intellectuelle est parfois considérée comme un non-travail, dans le sens où le sujet n'est pas directement confronté à une résistance physique contre laquelle il doit lutter. Si l'on considère les différentes caractéristiques qui définissent le travail, on s'aperçoit aussi que, à bien des égards, l'activité intellectuelle semble être incompatible avec cette notion. Travailler implique un effort prolongé, rémunéré, et qui aboutit à une production matérielle d'objets d'usage. [...]
[...] A l'inverse du travail qui symbolise la soumission à la nécessité, l'activité spirituelle semble être le moyen privilégié pour y échapper. N'imaginons nous pas, en général, le philosophe ou le poète comme un homme en marge du monde, un être dans les nuages Dans la pensée antique, c'est parce qu'elle échappe à la nécessité que l'activité théorétique est privilégiée sur le plan axiologique. La position des Grecs vis à vis de l'activité de pensée résulte de leur vision du monde. [...]
[...] Pourtant, si l'on peut reconnaître que l'esprit est dans le monde, il ne cherche pas pour autant à agir sur lui de quelque façon que ce soit; il reste spectateur On ne peut alors pas véritablement parler de travail de l'esprit puisqu'il n'y a pas d'action pour modifier le réel et encore moins de production. Ce conflit interne entre esprit et réel ne peut-il pas être réglé? Le travail de l'esprit ne consiste-t-il pas, d'ailleurs, en cet effort de réconciliation? Hegel, dans la Phénoménologie de l'Esprit, a pour objectif de conduire l'individu au savoir absolu, par le chemin de la conscience vers la connaissance. [...]
[...] Or, concernant les activités mentales, toutes ont en commun une dérobade au monde tel qu'il apparaît et un repli sur soi Pour H.Arendt, les opérations de pensée se caractérisent par une tentative de l'esprit pour échapper au monde phénoménal. La pensée développe une réflexivité exclusivement interne. Cette réflexivité paraît laisser pressentir une localisation interne des actes mentaux élaborée selon le principe de l'espace extérieur où se déroulent les activités non-mentales 104) Cette caractéristique de la pensée est bien la preuve que celle-ci tente d'échapper au monde réel par tous les moyens. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture