Le travail dénature-t-il les hommes ? - publié le 19/10/2015

Thèmes abordés

travail, dénature, homme, transformer l'homme, dénaturation, transformation, activité humaine, homme a une nature

Résumé du document

Se demander si le travail dénature les hommes, c'est supposer que le travail pourrait transformer l'homme, le couper de sa nature initiale. Activité spécifiquement humaine, le travail semble pourtant émaner de l'homme lui-même, de sorte qu'il paraît à première vue étrange de penser qu'il pourrait altérer l'homme. Le terme de « dénaturation » possède en effet une connotation négative, renvoie à une transformation qui dégrade ; l'homme pourrait-il lui-même s'altérer ? Le travail ne lui permet-il pas au contraire d'assurer sa conservation ? D'autre part, l'activité laborieuse n'est-elle pas l'occasion pour l'homme de mettre en œuvre des facultés propres à sa nature ?

Extraits

[...] Le travail dénature-t-il les hommes ? Quelques remarques Le sujet suppose que l'homme a une nature, c'est-à-dire une essence, et que celle-ci peut être pervertie par le travail. Il va donc falloir proposer des définitions de ces deux notions, celle de nature humaine et celle de travail, pour répondre au sujet. Quelques pistes doivent en vous s'éveiller : la nature humaine, c'est ce que l'homme a de naturel (son corps), mais c'est aussi ce qu'il a de plus spécifique (sa conscience, sa raison ) ; le travail, c'est un acte volontaire, conscient et réfléchi (Marx), certes, mais c'est aussi ce qu'effectue l'ouvrier huit heures par jour à l'usine. [...]

[...] Il ne s'agit donc pas de nous demander si le travail dénature les hommes, mais plutôt sous quelles conditions l'activité laborieuse demeure respectueuse de la nature humaine. L'homme n'est-il pas détourné de sa nature par un travail qui le force à consacrer l'essentiel de sa vie à satisfaire des besoins qu'il a en commun avec les animaux ? * * * [III. Le risque de l'aliénation de la nature humaine par le travail.] Assurance d'une maîtrise sur la nature et les nécessités naturelles, expression de sa faculté à transformer son environnement à son image, le travail est avant tout une activité qui exige la mise en œuvre de facultés proprement humaine. [...]

[...] * * * Instauré pour organiser la satisfaction de leurs besoins, le travail est aussi l'activité qui met les hommes à part du règne animal. Pourtant, nous avons vu que cette maîtrise gagnée sur la nécessité par le travail pouvait se retourner contre l'homme lorsque le travail était détourné de son but premier, employé comme un moyen d'enrichissement par certains au détriment des autres. L'homme, réduit à l'état de machine, serait ainsi dénaturé, c'est-à-dire ramené à une vie animale. Un travail qui ne dénaturerait pas les hommes devrait donc toujours pouvoir être pensé comme la réalisation d'une fin, et non un comme simple moyen de subvenir à nos besoins. [...]

[...] Ainsi conçu, le travail ne dénature pas l'homme, mais révèle tout un pan de sa nature. Hegel compare le sort de l'homme qui ne travaille pas à celui qui travaille pour lui, dans une dialectique de la maîtrise et de la servitude. Il soutient que l'esclave est l'homme véritablement libre, car ce dernier met en œuvre son aptitude à transformer la nature en fonction de ses propres fins ; le maître, celui qui a à première vue la place la meilleure, est en fait plus dépendant que l'esclave, puisqu'il n'apprend pas à subvenir à ses propres besoins, auxquels il reste donc soumis. [...]

[...] Marx montre, dans Le Capital, que le travail s'est peu à peu automatisé pour accroître le rendement de production des denrées. Cette automatisation a eu pour effet de rendre le travail inintéressant, répétitif, en un mot : aliénant. Du travail, l'homme ne voit plus que ce qu'il lui permet d'obtenir, à savoir les biens nécessaires à sa propre survie. Ici, l'organisation de la production de biens ne libère plus à l'homme un temps qu'il peut consacrer à autre chose qu'à la satisfaction de ses besoins ; Marx souligne effet que cette transformation des conditions de travail va de pair avec un vol des moyens de production. [...]