Le travail est une réalité ambiguë, voire contradictoire. Travailler est une activité pénible, harassante, imposée par la contrainte à la fois biologique et sociale, voire religieuse, de "gagner sa vie". Aussi l'histoire du mouvement ouvrier est-elle marquée par deux revendications principales : l'amélioration des conditions de travail et la diminution du temps de travail. N'est-ce pas le signe de ce que le temps passé à travailler est du temps volé à la vie ? La vraie vie ne commence qu'après celle occupée à travailler, c'est-à-dire pendant le temps de loisir qu'on appelle aussi, de manière significative, le temps libre.
Pourtant, l'absence de travail est douloureusement ressentie par le chômeur sous la forme d'une double aliénation : aliénation économique de ne pas jouir de l'indépendance que procure un salaire ; aliénation psychologique et sociale due à un sentiment d'inutilité et d'exclusion. Pour le chômeur le loisir est oisiveté et le temps libre est vécu comme du temps mort. En outre, le travail est vécu par certains comme une activité valorisante dont le bénéfice essentiel ne tient pas seulement au gain qu'elle procure mais à l'épanouissement de soi-même qu'elle rend possible. Cette valorisation du travail s'exprime également dans le fait qu'il n'est pas une seule activité humaine - de l'artiste à l'artisan, du manœuvre à l'ingénieur, du savant à l'homme politique - qui ne soit aujourd'hui désignée par le terme de travail.
Comment comprendre qu'un même mot désigne une réalité aussi diversifiée par les activités qu'elle regroupe et aussi contradictoire par les jugements de valeur qui lui sont attachés ? On en vient alors à se demander s'il y a une essence commune aux diverses activités regroupées sous le terme de travail. Y a-t-il, en somme, un concept de travail permettant de définir, de manière univoque, le sens et la valeur de cette activité ? Telle est la question qui va guider notre réflexion.
[...] P.Lafargue, Le droit à la paresse. Dans la glorification du «travail», dans les infatigables discours sur la «bénédiction du travail je vois la même arrière-pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous, à savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond, on sent aujourd'hui, à la vue du travail on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir qu'un tel travail constitue la meilleure des polices, qu'il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance. [...]
[...] Le travail est donc une activité de part en part consciente et réfléchie. C'est aussi une activité qui met en œuvre la volonté en ce qu'elle suppose un effort et la persévérance dans l'effort. Cet effort et la volonté qui le sous-tend doivent être d'autant plus intenses que le travail est moins attrayant. Le travail comme activité technique Si le travail peut se définir comme l'activité transformatrice par laquelle une matière première est rendue utile, propre à la consommation humaine, ce qui caractérise cette transformation c'est qu'elle s'effectue par l'intermédiaire d'outils. [...]
[...] L'esclave acquiert donc par son travail une formation, et par suite une indépendance inaccessible à celui qui ne travaille pas. Cette célèbre "dialectique du maître et de l'esclave" montre que le travail est nécessaire à l'homme pour se désaliéner. Par le travail, l'esclave acquiert quelque chose de la conscience du maître, en même temps que le maître se trouve aliéné par sa dépendance à l'égard de l'esclave. S'il est vrai que le maître a eu l'occasion de montrer sa force d'âme en risquant sa vie, l'esclave a eu, lui, l'occasion de développer ses capacités physiques, intellectuelles et morales. [...]
[...] Apparaît alors une étroite solidarité entre la division du travail et ces deux autres critères d'humanité que sont le langage et la vie sociale, chacun étant à la fois la cause et l'effet des deux autres. Le travail comme médiation Tous les caractères que nous venons de relever nous orientent vers celui de médiation. Remarquons tout d'abord que si le travail permet la satisfaction des besoins, cette satisfaction doit être différée. Le travail impose le délai, l'attente, la patience, c'est-à-dire le renoncement aux satisfactions immédiates. [...]
[...] Elle l'exige d'autant plus que, par son objet et son mode d'exécution, le travail entraîne moins le travailleur, qu'il se fait moins sentir à lui comme le libre jeu de ses forces corporelles et intellectuelles ; en un mot qu'il est moins passionnant (Karl Marx, Le Capital I 7). Marx met en évidence, dans ce texte, à la fois la spécificité humaine du travail et son caractère formateur pour l'humanité. En produisant ce qui lui est utile par une activité qui lui est propre, l'homme se produit lui- même et devient humain. Nous reviendrons plus loin sur la fonction anthropogène du travail. Attachons-nous pour le moment à la distinction entre le travail humain et l'activité animale. Le travail est une transformation consciente de la nature. [...]
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