Tout écrivain a-t-il une philosophie ? - publié le 01/07/2024

Thèmes abordés

Philosophe, écrivain, littérature, philosophie d'écriture, intuition philosophique, écriture philosophique, langage, pensée, Voltaire, La Fontaine, Descartes, Racine, Céline, Proust, Deleuze, Bergson, Homère, Platon, Baudelaire

Résumé du document

L'écrivain, avant d'être romancier, poète, dramaturge, est avant tout chargé de faire dire par les mots ce qu'il souhaite dire, et c'est le passage entre l'instant où ce qu'il veut dire n'est qu'une pensée, une impression, une intuition, et l'instant où celle-ci est un mot, une phrase, un paragraphe, qui déterminera sa nature. Écrire un livre est donc d'abord une affaire de choix.
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Qu'est-ce qui change dès lors, entre l'écriture de l'écrivain, et l'écriture du philosophe ?

Extraits

[...] Argument d'une philosophie comme intelligence, comme manipulation de concepts. Exemple : Les œuvres de Tolkien ne sont pas fondamentalement philosophiques, mais la rigueur et l'intelligence de son univers permettent à son écriture de mériter le nom de philosophie, parce que la construction d'une telle œuvre demande une manipulation, consciente ou non, de concepts, et des conditions de représentation d'un monde (cf. Descartes, Méditations Métaphysiques). Transition : Mais plus que l'écriture de l'écrivain lui-même, il y a la lecture, qui fait appel à la pensée du lecteur, et donc peut faire intervenir la philosophie par sa lecture. [...]

[...] AXE I - La pensée vient avant l'écrit et choisit volontairement si philosophie il y a : l'écrivain choisit ou non s'il est philosophe Certains exercices de la littérature sont producteurs de systèmes et de pensées philosophiques Argument : La philosophie, et le rôle de philosophe, se choisissent consciemment et rationnellement, c'est-à-dire qu'ils nécessitent une argumentation de la part de l'auteur. Ainsi, l'œuvre écrite philosophique est avant tout celle qui propose une argumentation, de n'importe quelle nature que celle-ci soit. Il ne peut pas y avoir de philosophe malgré soi, mais des exercices littéraires avec un objectif philosophique précis, ou en tout cas conscient. Exemple : Voltaire, Candide, ou La Fontaine, Les Fables, s'illustrent comme des œuvres littéraires philosophiques, parce qu'elles peuvent être traduites comme des scories argumentatives : et c'est cette structure du langage qui les rend philosophiques. [...]

[...] Il sera donc d'abord un philosophe, sans le savoir. Si le langage vient avant, en ressort un bilan plus déterministe : la philosophie, c'est la création d'un langage, donc l'écrivain est obligatoirement créateur d'une philosophie, qu'il le veuille ou non, car celle-ci existe dans le langage même. Au-delà de ces deux visions, la dualité langage / pensée semble trouver une faille lorsque l'on considère le prime instant de la réalisation de tout écriture, l'intuition, c'est-à-dire la part, inquantifiable, de vécu dans le processus d'écriture. [...]

[...] Tout écrivain a-t-il une philosophie ? Tout le talent d'écrire ne réside après tout que dans le choix des mots. Cette phrase de Guy de Maupassant illustre le rôle façonneur de l'écrivain, sa place au sein d'une équation éternelle du langage : une quantité illimitée de mots, face à l'illimité de ce que l'on souhaite dire. L'écrivain, avant d'être romancier, poète, dramaturge, est avant tout chargé de faire dire par les mots ce qu'il souhaite dire, et c'est le passage entre l'instant où ce qu'il veut dire n'est qu'une pensée, une impression, une intuition, et l'instant où celle-ci est un mot, une phrase, un paragraphe, qui déterminera sa nature. [...]

[...] Bergson, où le rattrapage éternellement impossible de l'intuition philosophique par le langage Argument : Le langage limite la pensée. Une intuition philosophique est vécue, elle n'est pas pensée : elle est indéfinie, et donc inépuisable. Le temps d'une seconde, l'intuition est vécue, c'est-à-dire que l'entièreté, infinie, de toute l'idée philosophique qu'elle contient est dévoilée : le temps qu'il reste - toute la vie d'un philosophe ou d'un écrivain - sera celui passé à tenter de la récupérer et de la comprendre. [...]