Peut-on tout démontrer ? - publié le 08/07/2010

Résumé du document

Dans une société de moins en moins crédible, il apparaît très souvent nécessaire de justifier ou de démontrer nos pensées, nos choix et nos actes, envers les autres. La démonstration est un raisonnement permettant de déduire une conclusion à partir d'hypothèses de départ. Mais démontrer n'est pas croire. Il faut distinguer montrer de démontrer puisque l'on démontre à l'aide d'arguments rationnels, alors que celui qui montre se contente de l'évidence sensible. Démontrer est ainsi le fait d'avoir une activité mentale, une réflexion. Donc à l'heure où les technologies sont de plus en plus perfectionnées, où les chercheurs repoussent toujours plus loin les limites de l'être humain et de ce qui l'entoure, une question se pose à nous, est-il possible de tout démontrer ? Intuitivement, une réponse à notre problème est donnée. Cependant, nous pouvons l'accepter que si nous utilisons des moyens pour la justifier. Il nous faut donc définir les fondements de la démonstration (...)

Extraits

[...] Le cœur en a un autre. On ne prouve pas qu'on doit être aimé en exposant d'ordre les causes de l'amour ; serait ridicule » (Pascal). La démonstration peut également être rhétorique et relever de l'art de persuader, c'est-à-dire, d'amener autrui à partager son point de vue en s'appuyant sur des arguments rationnels. On pense ici en particulier aux avocats lorsqu'ils sont appelés à la barre pour plaider leur cause. Ne pourrait-on pas alors dire de la démonstration ce qu'Alain, visant la puissance de l'éloquence, de l'art de bien parler, dit de la preuve : que l'on peut démontrer tout ce que l'on veut ? [...]

[...] Quant au désir, il peut sans doute faire obstacle à l'art de convaincre, c'est-à-dire à nos efforts pour démontrer ce qui s'y oppose mais peut donner prise à des stratégies de réflexion. Cependant, cette puissance de rhétorique est aussi sa faiblesse. En effet, cette capacité de tout démontrer et le contraire de tout, lorsque l'on en a pris conscience, peut nous faire douter de toute démonstration puisque pouvoir tout démontrer, c'est ne pouvoir rien démontrer en particulier. De plus, à vouloir tout prouver, le rhéteur ne fait que prouver la futilité de sa démonstration. [...]

[...] En elles mêmes, elles ne contiennent nulle incohérence. Pourquoi, par exemple, demande Hume, admettre que le pain qui nous a nourris hier nous nourrira aujourd'hui ? Hume ne nous demande pas de ne pas l'admettre mais il veut faire comprendre qu'aucune démarche rationnelle, qu'aucune nécessité logique ne fonde cette croyance. Le jugement « du pain m'a nourri hier « ne contient en lui-même ni le jugement « du pain me nourrira aujourd'hui » ni cet autre jugement, « du pain ne me nourrira pas aujourd'hui ». [...]

[...] Plus radicalement, et comme l'a montré Aristote, le principe même de toute démonstration, le principe de non contradiction ne peut être démontré, non seulement parce que l'on irait à l'infini si l'on voulait tout démontrer, mais parce que l'on ne peut démontrer le principe dont toute démonstration a besoin pour être concluante, sans commettre une pétition de principe. De sorte que l'impossibilité de tout démontrer n'est pas seulement une impossibilité de fait, liée aux limites de nos capacités, mais une impossibilité de droit, liée à la condition, par principe indémontrable, de toute démonstration. Mais peut-on réellement admettre, sans renoncer à l'objectivité de tout savoir, l'impossibilité absolue de démontrer les principes même de la démonstration ? Ne faut-il pas quand même continuer à vouloir tout démontrer ? [...]

[...] En effet, un simple mot permet d'exprimer les phénomènes les plus variés. On tente d'exprimer ces derniers et donc on croit les expliquer. Ainsi, on les reconnait, et on croit les connaitre. Par exemple, pour expliquer la dissolution de l'air dans l'eau, Réaumur compara l'air à une éponge et crut en disant que l'air est un corps spongieux, avoir fait avancer la connaissance scientifique. Le troisième qui se trouve face au scientifique est l'obstacle animiste. Cela consiste au fait de croire au caractère universel de la vie qui conduit à voir dans tous les phénomènes des phénomènes vitaux. [...]