Nicolas Machiavel, Erasme ou encore Thomas More avaient dès le XVIe siècle orienté une partie de la renaissance culturelle européenne dans le domaine de la politique. Au début du XVIIe siècle, les recherches de René Descartes et l'apparition du rationalisme en philosophie qui en découla donnèrent de nouvelles perspectives à ceux qui voulaient penser la politique. Ce fut le cas de Baruch Spinoza qui s'attacha, notamment dans son Tractatus theologico-politicus - Traité théologico-politique - (paru en 1670), à retranscrire et à analyser les règles d'un gouvernement humaniste. Il s'appuya particulièrement dans cette œuvre sur son observation du fonctionnement politique de la plus développée des toutes nouvelles Provinces Unies : la Hollande et plus particulièrement sa capitale, Amsterdam, où il vit le jour en 1632. Le traité de Westphalie de 1648 et la paix de Münster avec l'Espagne en parallèle n'avait en effet pas uniquement mis un terme à la guerre de Trente Ans : ils avaient également résolu le conflit latent depuis 80 ans entre l'Espagne et les Provinces Unies en reconnaissant l'indépendance de ces dernières. Un régime politique inédit dans cette partie de l'Europe avait ainsi pu se développer : celui d'une république, qui n'osait pas s'appeler ainsi constitutionnellement parlant, mais dans laquelle Baruch Spinoza décelait les principes du gouvernement idéal (c'est à dire le plus rationnel du point de vue humaniste). Il avança ainsi notamment le concept de tolérance au chapitre XX du Traité théologico-politique, tolérance dont il fait l'apogée en la voyant omniprésente dans le fonctionnement de la cité Amsterdam. Néanmoins, quatre ans à peine après la publication de l'ouvrage et trois ans avant la mort du philosophe, cette œuvre ainsi que les autres publications de Spinoza se virent interdites dans la province de Hollande.
On peut dès lors s'interroger sur l'authenticité du principe de tolérance que Spinoza semble relever dans sa ville natale.
Nous verrons ainsi dans un premier temps que la réflexion de Spinoza semble s'inspirer d'observations concrètes qui dénotent d'un certain pragmatisme. Cependant il sera nécessaire dans un second point de nuancer cet aspect puisque Baruch Spinoza, sans affirmer des contrevérités ne veut en aucun cas faire ici œuvre d'historien mais de philosophe.
[...] C'est ce qu'il s'attache à montrer, tout d'abord en qualifiant de république alors qu'aucun texte de loi ne l'affirmait à l'époque. Par ailleurs, sa description du système judiciaire de la Province de Hollande semble attestée par la pratique effective des magistrats dans les procès de l'époque. En effet, si les lois étaient encore dans les différentes provinces d'une intolérance extrême même si banale dans l'Europe de l'époque (interdiction des mariages entre Juifs et Chrétiens, torture vis-à- vis des homosexuels), dans la pratique les procédures dans de tels les cas se terminaient souvent par l'absence de poursuites. [...]
[...] Spinoza nous livre ici, d'une manière volontaire et consciente, une Amsterdam idéalisée, faisant par là le lien intellectuel entre les approches résolument utopistes d'un Erasme au XVIe siècle et celles, beaucoup plus pratiques et réalistes, des Lumières au XVIIIe Bibliographie - DE VOOGD (Christophe), Histoire des Pays-Bas, Paris, Fayard - LAGREE (Jacqueline.), Spinoza et le débat religieux, Rennes, Presses Universitaires de Rennes - POUSSOU (Jean-Pierre), Les îles britanniques, les Provinces Unies, la guerre et la paix au XVIIe siècle - SECRETAN (Catherine), Les privilèges berceau de la liberté : La révolte des Pays-Bas : aux sources de la pensée politique moderne, Paris, J. [...]
[...] Malgré leur condition de calvinistes, leur position fut rapidement comprise à la fois comme une volonté schismatique au sein des calvinistes mais aussi comme un désir de rapprochement avec l'Espagne catholique (qui croyait au libre-arbitre). Ceci provoquant leur condamnation ainsi qu'une contre remontrance par les gomaristes en 1619, grâce au soutien du Prince Maurice d'Orange. Comme le montre Spinoza, la question religieuse s'était ainsi confondue avec la question politique de l'indépendance des Provinces Unies, ce qui avait été la cause de troubles et de violences. Le philosophe se servit ainsi dans son Traité théologico-politique de la description des caractères négatifs relevés sur d'autres régimes, pour condamner ces modes de gouvernement. [...]
[...] Mais l'étude des différents régimes politiques par Spinoza ne se limite pas à ceux de son époque : il se plonge également dans le passé des Provinces Unies pour dénoncer d'une manière plus directe (car plus libre) d'autres modes de gouvernement. Il rappelle ainsi que face au schisme engendré par la Réforme, les méthodes appliquées dans les Provinces Unies furent source de cette violence de la part du gouvernement. Ainsi fait-il allusion à la controverse des remontrants et des contre-remontrants renvoyant à un épisode précis de l'histoire des Provinces Unies. [...]
[...] Spinoza extrapola des éléments réels et choisis afin de produire une idéalisation du mode de gouvernement néerlandais et donc un système politique clair qui pût servir de modèle. L'auteur ayant lui-même subi des pressions de la part des différentes communautés religieuses, notamment la communauté juive, qui le désavoua, et l'église calviniste, qui interdit ses œuvres, il ne pouvait ignorer les tensions politiques et sociales persistantes dans les Provinces Unies. Son œuvre s'attache néanmoins à démontrer l'inverse : c'est donc que Spinoza n'essaya pas de décrire l'état des Provinces Unies en 1670 mais bien d'idéaliser ce qu'elles pourraient être au vue de ce qu'il y vît. [...]
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