L'esprit des Lumières, influencé directement par l'humanisme qui place l'homme au centre des intérêts, préconise la souveraineté de l'individu, ce qui remet en cause l'absolutisme politique des sociétés d'ancien régime. Les penseurs assignent alors à l'humain un certain nombre de droits – de pensée, d'opinion, d'expression – inhérents au contrat social. En effet, dans un contexte de persécutions religieuses, en Angleterre depuis l'anglicanisme forcé ou en France avec la révocation de l'édit de Nantes, se manifeste la défense de la tolérance, notamment avec Locke ou Voltaire. Ce dernier, fuyant l'inquisition catholique qui accuse d'hérétiques tous ceux qui ne respectent pas à la lettre la liturgie de l'Eglise Romaine, a trouvé refuge à la cour de Frédéric II en Hollande, pays déjà caractérisé par son ouverture et sa tolérance. Il prononce cette formule célèbre qui d'emblée apparaît paradoxale voire contradictoire: « Je déteste vos idées mais je suis prêt à mourir pour votre droit de les exprimer » dans une lettre de sa correspondance. Cette phrase résume dans une certaine mesure l'esprit des Lumières puisqu'elle concentre l'individualité (« Je »), la prise de position (« Déteste vos idées »), l'engagement illustré particulièrement lors de l'affaire Calas (« Mais je suis prêt à mourir ») et la tolérance (« Pour votre droit de les exprimer »). L'utopie, « meilleur des mondes possibles » dans lequel chacun peut s'épanouir librement, devient une réalité grâce à un Etat de droit garant des libertés individuelles, notamment la liberté de penser et d'expression, et l'engagement de chaque citoyen qui a le devoir politique mais également moral d'agir pour protéger la diversité des opinions.
Les deux propositions sont reliées par la conjonction de coordination « mais » qui souligne si ce n'est une opposition au moins un paradoxe évident entre l'éloignement des conceptions et l'investissement personnel érigé comme un devoir pour défendre le droit d'expression d'idées qu'on ne partage finalement pas. Car, la tolérance, étymologiquement « constance à supporter », n'appelle pas une intervention chevronnée et une action obligatoire pour imposer ce que l'on ne conçoit pas; au contraire, elle est de l'ordre de l'acceptation, pousse à s'abstenir de s'immiscer dans les affaires d'autrui libre d'agir et de penser, et tend même à être incompatible avec l'imposition de valeurs.
Dès lors, comment donc peut-il être moralement juste de permettre et même d'imposer des choses jugées moralement mauvaises? Ce qui est désapprouvé moralement, ou plus largement déplaisant, doit-il vraiment s'imposer? En quoi le devoir de défendre la tolérance est-il une vertu pour l'individu et est-ce vraiment son rôle? Dans quelle mesure l'Etat doit-il être tolérant et est-ce que la reconnaissance de toutes les valeurs et idéaux est vraiment un bien pour la société?
Ces différentes questions convergent en définitive vers le problème fondamental suivant: Dans quelle mesure est-il un devoir individuel et collectif de tolérer l'intolérable? Moi, citoyen et homme qui aspire au bien, dois-je tolérer l'intolérable et même le défendre? L'Etat quant à lui peut-il se permettre d'accepter, au-delà de l'expression, l'action d'individus qui visent à imposer un mode de vie intolérant. A travers les différents domaines concernés, la morale et le politique, et des différents enjeux, liberté et vérité, notre questionnement cherchera à préciser la vocation de la philosophie: comment bien vivre en humain.
[...] En tant que substance pensante et surtout puissance libre, je me dois d'intervenir, quitte à supporter des dommages physiques ou moraux car la liberté d'expression des idées est un droit universel et inaliénable inhérent au cadre social. Je ne saurais supporter un ensemble unique et unifié de valeurs car je dois m'ouvrir à la liberté pour reconnaître l'universalité. Néanmoins, toutes les valeurs sont-elles réellement conciliables, comme le sous-entend dans son Eloge de la liberté? Peut-on vraiment penser le droit d'expression comme absolu? Les individus doivent donc se battre en vue d'établir un Etat garantissant par des lois applicables à tous ma liberté. [...]
[...] On ne doit pas imposer mais on doit faire respecter les lois et punir ceux qui portent préjudice à autrui ou troublent l'ordre public. Le problème central est le concept de valeur neutre ou d'idéal moral pour la tolérance, vertu libérale par excellence. Je dois tolérer l'intolérable dans ses idées et même l'aider à se diffuser car j'ai parfaitement le droit de penser et même d'exprimer des idées intolérantes voire intolérables; mais, je ne dois pas aider à les imposer par la force. [...]
[...] Il prononce cette formule célèbre qui d'emblée apparaît paradoxale voire contradictoire: Je déteste vos idées mais je suis prêt à mourir pour votre droit de les exprimer dans une lettre de sa correspondance. Cette phrase résume dans une certaine mesure l'esprit des Lumières puisqu'elle concentre l'individualité Je la prise de position Déteste vos idées l'engagement illustré particulièrement lors de l'affaire Calas Mais je suis prêt à mourir et la tolérance Pour votre droit de les exprimer L'utopie, meilleur des mondes possibles dans lequel chacun peut s'épanouir librement, devient une réalité grâce à un Etat de droit garant des libertés individuelles, notamment la liberté de penser et d'expression, et l'engagement de chaque citoyen qui a le devoir politique mais également moral d'agir pour protéger la diversité des opinions. [...]
[...] L'homme aspire en définitive seulement au bonheur commun de tous les hommes et la nature humaine est ainsi faite que le bonheur n'est pas de le trouver mais de le chercher, et la recherche du bonheur ne réclame pas grand-chose, seulement un peu de tolérance et de liberté, une marge de manœuvre et de la contemplation. Même si le dynamisme est vital et nécessaire à la pensée pour que la pensée soit pensée, l'action ne peut être qu'engagement politique pour pouvoir imposer ses idéaux. [...]
[...] La tolérance est une nécessité car outre le fait que l'intolérance - vaine, destructrice, inefficace, irrationnelle - est à rejeter, elle est juste, sensée, légitime, obligatoire. Pourtant, cette vertu qui impose une vision universelle ne saurait concilier tous les genres de vie car le pluralisme est par définition antagoniste. C'est ainsi que chacun doit exprimer son idée en toute liberté et il fait même partie du devoir moral et politique de l'humain qui désire vivre dans une société libre et juste d'aider chacun à professer ses propres idées. [...]
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