L'individualisme est communément admis comme une théorie, voire une tendance, voyant dans l'individu la suprême valeur tant au niveau économique, moral, politique que social. Au niveau philosophique, il s'agit d'une doctrine affirmant la réalité propre des individus au détriment des genres et espèces. Cela revient à accorder, in fine, la primauté à l'individu. C'est pourquoi l'individualisme est caractéristique des sociétés réputées évoluées. Au cours de son oeuvre, De la Démocratie en Amérique, Tocqueville nous présente « ce qu'est une grande république», ainsi que l'influence de l'idée démocratique sur le devenir des institutions et sur l'évolution des moeurs.
Fondée sur l'aspiration des hommes à la liberté, la tendance à l'égalisation des conditions, qui caractérise la société du Nouveau Monde, n'est-elle pas porteuse de nouvelles formes d'oppression, insidieuses ou voilées, en un mot d'un nouveau despotisme ? Telle est la dialectique visionnaire qui dévoile les antinomies de la liberté et de l'égalité. L'individualisme, induit par l'émergence de la logique démocratique, provoque le développement de nouveaux rapports au pouvoir, à l'Etat et à la société.
On s'interrogera, dans un premier temps, sur le concept d'individualisme, sur ses origines et ses manifestations. Ce qu'implique l'essor de l'individualisme ainsi que les remèdes aux potentiels périls d'une excessive atomisation du corps social seront, par la suite, envisagés.
[...] En rapprochant les hommes les uns des autres, les journaux permettent l'action commune Il existerait même un rapport intime entre journaux et associations : les journaux font les associations et les associations font les journaux Si, comme aux Etats-Unis d'Amérique, l'esprit de religion ainsi que celui de liberté parviennent à se combiner harmonieusement, à se conjuguer, à coïncider, alors la religion permet, aux citoyens, de lutter contre les fâcheux penchants de la démocratie. Tocqueville vise, d'abord, les excès de l'individualisme, les envies mesquines et l'avidité de jouissances matérielles. La religion, en fait, assurerait les moeurs et sans moeurs il n'y aurait pas de liberté concevable. La religion faciliterait donc l'exercice et le maintien de la liberté. C'est le despotisme qui peut se passer de la foi, non la liberté. [...]
[...] Qu'est-ce que l'individualisme? Individualisme et égoïsme Au cours du deuxième chapitre du second tome de son ouvrage, De la démocratie en Amérique, Tocqueville établit, habilement, une différence stricte et rigoureuse entre l'individualisme et l'égoïsme. Il affirme, en effet, que l'individualisme est une expression récente qu'une idée nouvelle a fait naître. Nos pères ne connaissaient que l'égoïsme. L'égoïsme, ajoute-t-il, est un amour passionné et exagéré de soi-même, qui porte l'homme à ne rien rapporter qu'à lui seul et à se préférer à tout. [...]
[...] On soutient qu'elle est utile, et on le prouve tous les jours On retrouve cette doctrine au fond de toutes les actions Elle est universellement admise Ainsi, l'amour éclairé d'eux-mêmes les porte sans cesse à s'aider entre eux et les dispose à sacrifier volontiers au bien de l'Etat une partie de leur temps et de leurs richesses Cette doctrine ne produit guère de grands dévouements mais elle provoque chaque jour des petits sacrifices Elle forme une multitude de citoyens réglés, tempérants, modérés, prévoyants, maîtres d'eux-mêmes Par ailleurs, le rôle des associations est, lui aussi, déterminant. Comme chacun est indépendant mais faible, chacun ne peut presque rien par lui- même. Seul le pouvoir étatique est en mesure d'agir. Or, ajoute Tocqueville, son action est toujours insuffisante et dangereuse Dès lors que plusieurs citoyens américains ont conçu un sentiment ou une idée qu'ils veulent produire dans le monde, ils se cherchent, et, quand ils se sont trouvés, ils s'unissent. [...]
[...] Un tel désir d'indépendance ainsi que la conception de la liberté qui le fonde ne peuvent que favoriser l'individualisme. L'individualisme, qui ne naît pas de l'instinct mais d'un jugement erroné, représente un sentiment étranger à l'aristocratie et découlant directement de l'égalité. L'aristocratie attachait, en effet, les sujets entre eux par une longue chaîne remontant du paysan au roi. Chacun était protégé par quelqu'un au-dessus de lui et protégeait au-dessous de lui quelqu'un dont il pouvait réclamer l'aide. La démocratie a fait voler en éclats cette chaîne et a mis chaque anneau à part. [...]
[...] Chacun se veut et s'imagine indépendant du reste de la collectivité. Cette volonté et ce sentiment d'indépendance ne se limitent pas à l'individu proprement dit mais englobent, également, sa famille et ses proches, bref la totalité de son entourage. Afin de saisir que la préférence donnée aux siens ne peut être assimilée à une simple résurgence de l'égoïsme, Tocqueville compare la société nouvelle à celle de l'Ancien Régime. Les hommes qui vivent dans les siècles aristocratiques sont presque toujours liés d'une manière étroite à quelque chose qui est placé en dehors d'eux, et ils sont souvent disposés à s'oublier eux-mêmes. [...]
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