Le théâtre nous permet-il d’apprendre à mieux connaître et comprendre les criminels ?

Résumé du document

Issu du mot grec « theatron » faisant lui-même référence au verbe grec « theamoai » signifiant regarder, le théâtre a en effet pour vocation fondamentale d'être représenté en public. Si le théâtre doit donc être regardé par le spectateur, ce n'est pas pour autant que le théâtre ne cherche pas son inspiration dans le spectateur et l'Homme qui assistent à la pièce. Bien au contraire, le théâtre s'est souvent livré à la représentation de faits divers et s'est naturellement penché sur celui qui interpelle le plus, le crime, et ses acteurs, les criminels.

Choqués, intéressés, dégoûtés ou fascinés, metteurs en scène, acteurs et spectateurs ont fait de la criminalité un des thèmes principaux du genre dramatique, et ce depuis des siècles désormais. Plus encore, pour Antonin Artaud dans Le théâtre et son double, « sans un élément de cruauté à la base de tout spectacle, le théâtre n'existerait pas ». Dans un théâtre où « tout doit et peut s'y réfléchir » d'après Victor Hugo, les criminels n'échappent donc pas à la règle et nombreux sont ceux qui ont foulé les planches. Criminels en tous genres, fictifs ou réels, ils s'offrent à la vue d'un public aux motivations multiples face à ce sujet sensible pour toute société antique ou moderne.

Extraits

[...] Le théâtre nous permet-il d'apprendre à mieux connaître et comprendre les criminels ? Issu du mot grec theatron faisant lui-même référence au verbe grec theamoai signifiant regarder, le théâtre a en effet pour vocation fondamentale d'être représenté en public. Si le théâtre doit donc être regardé par le spectateur, ce n'est pas pour autant que le théâtre ne cherche pas son inspiration dans le spectateur et l'Homme qui assistent à la pièce. Bien au contraire, le théâtre s'est souvent livré à la représentation de faits divers et s'est naturellement penché sur celui qui interpelle le plus, le crime, et ses acteurs, les criminels. [...]

[...] Le théâtre possède aussi la particularité de proposer, en plus d'une parole et d'un discours face à une assemblée, une ambiance qui place le spectateur dans le monde dans lequel évolue le criminel. En effet la mise en scène du crime revêt une importance particulière, car elle présente à la fois le crime, mais aussi le contexte dans lequel il a lieu. La scénographie avec la disposition du décor, mais aussi la musique, les bruits, les accessoires ou les costumes sont autant d'éléments qui plongent le spectateur dans l‘univers du criminel. [...]

[...] Il nous met même face à des émotions enfouies en temps normal. Cependant il met en œuvre de nombreux moyens qui poussent à une réflexion plus poussée encore, et n'est pas pour autant criminogène. Si pour Bartol Brecht l'avenir du théâtre est la philosophie alors rien de plus normal que de soulever les thématiques les plus existentielles de l'humanité. Dans Thyeste de Sénèque ou Agamemnon d'Eschyle, Atrée et Clytemnestre dévoilent au grand jour leur identité vengeresse et assument pleinement leurs actes. [...]

[...] Accablé en société, il n'a que rarement les moyens de s'exprimer, ce qui n'est pas le cas lors d'une représentation théâtrale. Grâce à la double énonciation, caractéristique du genre dramatique, le criminel s'adresse au spectateur. Dans Thyeste de Sénèque, c'est Atrée qui s'adresse au héros éponyme ainsi qu'au spectateur et qui délivre un récit très cru et violent du meurtre qu'il vient de commettre sur les enfants et de Thyeste et d'Erope. Malgré l'horreur qui émane du discours d'Atrée, le spectateur ne peut pas s'échapper, il est obligé d'écouter et donc de connaître cette vengeance assumée. [...]

[...] Mis en scène par Richard Brunel, la pièce nous montre le quotidien d'un immeuble vu de l'intérieur grâce à une scénographie imaginée par Anouk Dell' Aiera. Le plateau est tournant et on assiste tour à tour aux péripéties de prolétaires comme de bourgeois tous en proie au crime. La pièce exprime alors bien cette idée de violence qui sommeille en chacun. Cette prise en compte de l'engrenage de la violence et du basculement dans le crime dont personne n'est complètement à l'abri peut alors entraîner le spectateur dans une réflexion plus approfondie sur lui et son regard sur les criminels. [...]