Maïmonide est un penseur clé, qui a influencé la pensée théologique de toutes les religions, mais vient féconder, très tôt la pensée philosophique occidentale. Il anticipe même, le dépassement contemporain d'un certain positivisme, ou d'un scientisme qui considèrerait la raison comme surpuissante. Tout en faisant de la raison la voie unique vers la vérité. Il prend conscience du langage comme limite incontournable de la Raison, et dans sa pensée, de toute foi. Enfin, il envisage raison et foi dans une relation dialectique, plutôt que de les opposer, ce qui annonce par exemple Spinoza, Descartes, Pascal.
[...] Une foi qui se priverait de la Raison prendrait ce qu'elle lirait au pied de la lettre, sans comprendre la teneur allégorique, indispensable, des écritures, et donc se retrouverait perdue, ou bien conduite à ne rien comprendre de Dieu, incitée à l'irreligion. Ce sont déjà les arguments du marrane Spinoza qui s'entendent dans la théologie de Maimonide. Maïmonide esquisse aussi une stratégie de l'éducation, l'étude des phénomènes physiques, exerçant la raison, avant qu'elle arpente les chemins plus durs de la métaphysique. Nous rencontrons ici une pensée totalement antagoniste avec celle des intégrismes, pour lesquels la récitation des paroles sacrées est le fondement de toute éducation. Tel l'apprentissage par cœur du Coran dans les madrassas fondamentalistes. [...]
[...] Comme l'écrit Susan Sontag, « les métaphores ne sont que des métaphores ». Et cela Maïmonide en est pleinement conscient. Cependant les appréhender comme telles équivaut à un degré de connaissance supérieur à celui qui prend le langage au pied de la lettre. Pour autant tout croyant doit avoir accès à un minimum de vérité, en dépassant une approche trop sommaire du langage. Dieu n'a pas de corps, en particulier, lui en attribuer un est métaphorique. Dieu n'est pas beau, sa beauté est une idée. [...]
[...] Ainsi prendre conscience du caractère métaphorique du langage, c'est se rapprocher de Dieu, car c'est mieux comprendre son unicité, sa différence irréductible, même si, Maïmonide en étudie maints exemples dans des dizaines de chapitre de sa première partie, on lui applique des mots qui sont ceux de l'existence humaine, la seule que l'humain possède en référence. Le langage est la forme de la raison, son vecteur, mais aussi la raison de sa limite même. Il a « deux faces ». [...]
[...] Pour Maïmonide, une telle approche éloigne de Dieu, en l'enlisant dans des métaphores. Attribuer un « glaive » à Dieu est impie, car Dieu n'a nul besoin d'outil, ce qui est une propriété humaine. Si l'homme a été fait à l'image de Dieu, c'est dans la mesure où Dieu lui a transmis cette spécificité, cette singularité ; la capacité de pensée. Ce n'est nullement fortuit. Tout ce qui dans la Révélation, confond Dieu et l'humain, éloigne de Dieu. La dignité de l'Homme, dira Hannah Arendt, c'est de penser. [...]
[...] Dieu n'a pu se faire connaître aux hommes que par le langage des hommes. Ce moyen est sublime, mais crée un voile d'opacité qui laisse Dieu dans un certain mystère, que l'on ne saurait dépasser. La religion est obligée de passer par des métaphores pour donner accès, aussi bien que se peut, à un Dieu dont l'existence est l'essence, et l'essence l'existence, qui existe, mais pas par l'existence, qui est puissant, mais pas par la puissance, qui sait, mais pas par le savoir (première partie chapitre LVII). [...]
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